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CHRONIQUES

sont espacées, comme dans toutes les cités naissantes des États-Unis. Elle est située au point où la rivière Ristigouche se décharge dans la Baie des Chaleurs, au sein d’un magnifique panorama qui s’étend à perte de vue. Sa position convient admirablement à l’exploitation agricole et forestière d’une vaste région ; mais, jusqu’à présent, c’est le commerce de bois qui a été l’objet presque exclusif de tous ceux qui se sont livrés à des affaires sérieuses. Le pin et le cèdre, dans toute la région qui forme la vallée de la Baie des Chaleurs, sont en quantité incalculable et constituent à peu près les seuls articles d’exportation. Vous voyez les clôtures, qui séparent les champs, construites en troncs de cèdre de six à huit pouces de diamètre sur vingt à vingt-cinq pieds de longueur ; (dans ce pays le bois ne coûte rien, on n’a que la peine de l’aller chercher.)

Un fait singulier, c’est que personne ne fait sa provision de bois pour l’hiver ; au fur et à mesure qu’on en a besoin, on va le prendre dans la forêt qui avoisine les établissements, et l’on en chauffe des demeures qui n’ont jamais de doubles fenêtres et dont les cloisons ne sont jamais embouffetées. Toutes les maisons sont en bois, faites de madriers disjoints, sur lesquels on applique immédiatement le crépi et qu’on recouvre ensuite d’une couche de bardeaux ; on dirait que l’homme apporte dans ce pays une négligence calculée pour son bien-être, et qu’il ne fait que juste ce qu’il faut pour conserver la quantité de chaleur nécessaire à la vie.

Du reste, c’est là une observation qui s’applique à tous les actes, à toutes les façons d’agir des gens de la Baie des Chaleurs. En général ils travaillent peu, la