Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/280

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« Cela se conçoit, me disait l’un d’eux ; aux États-Unis nous sommes toujours pressés de faire des chemins de fer ; dès qu’une localité en sent le besoin, vite il se forme une compagnie, on se fait donner une charte et l’on construit à la hâte pour les exigences du jour, quitte à faire renouveler la ligne par l’État quelques années après, lorsque la nécessité d’une construction solide et durable est devenue impérieuse. Ici, c’est tout différent. L’Intercolonial est une voie nationale ; il est, pour ainsi dire, le chemin de fer du Dominion ; il faut qu’il ait le caractère et la constitution qui conviennent à toute œuvre publique, patrimoine d’une nation, héritage des générations à venir. Ce que vous élevez aujourd’hui, ce n’est pas seulement une voie ferrée, mais encore un monument de toute une époque. En voyant les magnifiques ponts qui couvrent les nombreuses rivières de la Baie des Chaleurs, on comprendra que l’Intercolonial n’a pas été fait seulement pour les besoins vulgaires du commerce, mais encore pour être un témoignage du degré de civilisation et de vigueur de tout un peuple.

« Le chemin de fer du Pacifique s’est fait très rapidement, il est vrai, mais voyez combien étaient différentes les conditions de cette entreprise. Nous avions des ouvriers en foule, et des milliers de Chinois qui travaillaient sur la ligne, pour un prix nominal, de l’aube au crépuscule ; tous les mois il arrivait de nouvelles masses d’hommes venus de tous les points de l’Europe et des États-Unis ; aucune saison n’arrêtait les travaux, l’argent abondait ; aucun parti hostile n’entravait la marche de l’entreprise, le chemin du Pacifique était fait pour tous et au nom de tous sans que la politique