Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/289

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tilité. Ce qui frappe le plus le voyageur qui fait le parcours entre Dalhousie et Bathurst, c’est la beauté des chemins ; le sol est partout sablonneux, et les pluies torrentielles qui, depuis trois mois, n’ont cessé de tomber sur lui presque tous les jours, l’ont à peine détrempé ; il n’y a que les chemins à travers les savanes qui soient difficiles, et encore a-t-il fallu, pour les rendre tels, le lourd charroyage de la pierre pour la maçonnerie de l’Intercolonial.

Mais si les chemins sont beaux, il n’en est pas ainsi des femmes. Tudieu ! quelles girafes ! Comment se fait-il que le Nouveau-Brunswick ne soit pas un désert quand il s’y trouve des créatures pareilles ? Ce ne sont pas des monstres, mais ce ne sont pas des femmes ; de grands homards sur des pattes de cinq pieds de long. On conçoit le laid, puisqu’on a l’idée du beau ; mais on ne le conçoit que comme une exception, une négligence coupable ou un mauvais vouloir de la nature ; personne ne s’imaginerait que les femmes de tout un pays s’entendent pour en faire la règle, et qu’elles aient, pour horripiler le voyageur, cette unanimité opiniâtre qui jamais les distingue dans le reste de leurs actes.

Ô Brunswickoises ! vous m’avez fait bien du mal… Je vous aimais pourtant d’avance et je vous confondais, dans mon ardente imagination, avec les truites et les morues fraîches qui courent dans vos eaux ; j’étais arrivé sur les rivages de la Baie des Chaleurs, séduit par ce nom historique et vénérable, comme le cerf altéré s’élance lorsqu’il entend au loin la source jaillissante ; je vous aurais trouvé belles, quoique médiocres,