Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/318

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de marbre des tombeaux dont le froid éclat se détache dans une nuit étoilée. C’est l’heure où les rêves arrivent comme des flots pressés dans l’âme des poètes ; c’est aussi parfois le moment où le chroniqueur cherche une transition pour passer du style descriptif aux choses vulgaires de ce monde que l’exigence du lecteur ne lui permet pas de dédaigner.

Et voilà pourquoi la chronique est si difficile ; tantôt sur un pied, tantôt sur l’autre, bondissant à perpétuité sur la corde roide, le chroniqueur est un vrai nègre. Avec cela que le moindre écart le rend ridicule ou insupportable ; il faut être un génie pour braver tant de périls. Croyez-vous que je n’aimerais pas mieux faire un discours en parlement ou rédiger un bill ? Cela ne demande ni style, ni idées ; au contraire. Aussi a-t-on imaginé un mot baroque et dédaigneux pour exprimer ce que cela vaut. On dit « une indemnité parlementaire, » comme on dirait « je vous rends la monnaie de votre pièce ; vous m’assommez pour mon plus grand bien, je vous flanque six cents dollars ; allons, que ça ne traîne pas : » voilà pourquoi les sessions sont si courtes.