Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/326

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La nature a vengé la faiblesse en lui donnant des ressources inconnues ; il n’en est pas moins vrai que la force bête continuera encore de se pavaner à cheval pendant des siècles à la poursuite d’une queue ![1]

Il paraît que le Canada produit beaucoup de fromage depuis deux ou trois ans ; c’est, dit-on, un résultat de la confédération.

Le fromage est une variété de la chaussette de gendarme ; nous avons donc fait beaucoup de progrès sous la constitution nouvelle. Ce que nous avons exporté de fromage l’année dernière se monte à près de vingt millions de livres ; il y a même une petite ville du Haut-Canada qui, tous les jours, en a expédié cinquante wagons pleins pendant trois mois.

Le fromage ayant été donné à l’homme pour déguiser son haleine comme la parole pour déguiser sa pensée, il est manifeste que, sous le rapport moral comme au point de vue commercial, nous sommes devenus extrêmement raffinés.[2] Oh !…

Les adversaires de la réciprocité avec les États-Unis disent que la production du fromage est un des traits de l’énergie que nous avons mise à ne dépendre que de nous-mêmes et à développer nos propres ressources. Je suppose que cela est vrai ; mais les bêtes-à-cornes y

  1. On sait que la grande ambition du chasseur, dans une partie de chasse au renard, c’est de pouvoir rapporter la tête ou la queue de l’animal.
  2. On fabrique en Canada une espèce de fromage très goûté des gourmets et que l’on appelle le « raffiné. » Il a beaucoup de ressemblance avec le Brie. L’odeur en est horrible.