Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/370

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Ce que je demande à cette femme idéale est bien difficile, c’est vrai ; mais aussi, diable, ce que j’offre l’est bien plus. Arriver ainsi d’un bond à la vertu absolue, sans apprentissage !…

En principe, j’approuve le docteur Mathieu et je le déclare hautement : dans la pratique, ce qu’il a fait ne vaut rien. L’homme a déjà tout contre lui dans sa lutte avec la femme ; s’il ne peut au moins avoir avec lui la loi, la loi qu’il a faite pour se protéger, pour se garantir surtout contre cet être prétendu faible qui le terrasse invariablement, chaque fois qu’il ose se mesurer avec qui, alors fermons boutique, donnons notre démission. Je sais que ce que j’écris en ce moment ruisselle de contradictions, qu’un paragraphe dément ou détruit celui qui le précède : mais comment parler autrement lorsqu’il s’agit des femmes ? Vouloir faire de la logique avec elles, c’est vouloir aller jusque devant le tribunal : or je ne suis pas prêt à conclure avec ce rigorisme, fût-ce même en vue de faire payer mes meubles.

Cependant l’exemple donné par le malheureux ou l’heureux docteur peut avoir du bon pour les gens d’affaires. Faire sa cour deviendra une nouvelle spécialité financière ; il y aura des hommes exprès qui entreprendront des fiançailles et les feront souscrire par actions. À chaque petite visite rendue par le futur à sa fiancée, les actions feront hausse ; à chaque chaise de paille, à chaque oreiller qu’il achètera, prime. S’il se fait serrer l’index ou l’annulaire de cette façon éloquente qui est le langage du silence, deux cent, trois cent pour cent ! Il y a des fortunes à réaliser dans ce genre coopérations, comme on dit en style de commerce. Il