Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/380

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destinées nous réserve-t-on avec un homme qui n’a appris que l’usage des signes, et qui veut s’en servir avec une armée formée à une tout autre école !

Dans le district de Québec, nous ambitionnons aujourd’hui autre chose que de danser sur la corde et d’exécuter des battements de pas au commandement d’un jongleur. L’obéissance y est devenue une vertu fort compromise ; la docilité n’a plus d’avenir et les traînards restent en arrière tout seuls sans pouvoir retenir plus longtemps la masse rendue à l’intelligence et aux idées. Si M. Langevin avait appris autre chose qu’à emboîter le pas, il se rendrait compte du changement des temps, et en se rendant ce compte facile, il les jugerait désormais impossibles pour lui.




28 Avril.

Il pleut, il grêle, il neige ; un rayon de soleil par ci par là, des entassements de glaçons dans les rues, des chaos insondables, des trottoirs à moitié dénudés, des passages étroits entre des monceaux de glace et des ornières pleines de neige fondue, un fumier flasque qui vole en éclats sous le pied, des maisons qui suintent, des chariots que mille travailleurs, interceptant le passage, emplissent de glace souillée et d’ordures de toutes sortes, des débris s’ajoutant aux eaux crottées qui se cherchent en tous sens une issue vers les égoûts, voilà le printemps à Québec, précurseur de la belle saison, rénovateur de la vie ; voilà ce qui s’appelle retrouver les beaux jours, sortir d’une léthargie de six mois et renaître sous le soleil !