Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/382

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chemin de fer du Nord, disent les pauvres Québecquois, on se moquera du pont de glace. » Eh oui ! mais en attendant, ils ne l’ont pas ce chemin tant désiré, et c’est le pont de glace qui se moque d’eux.

Je vois des choses inouïes. Figurez-vous qu’au lieu de ramasser le fumier délayé qui inonde les rues et de le porter sur les terres, quelques pauvres diables s’amusent, ça et là, à en détacher, avec de petits grattoirs, de légères parties et à les pousser dans les égoûts, pour les boucher sans doute. Le soir, il n’y a plus de gaz dans les rues. Pourquoi ? parce qu’elles sont impraticables et que, le jour même, on a toutes les peines du monde à ne pas se rompre le cou dans les mille trous et bosses qu’y pratique la débâcle. On se fie à la lune pour l’éclairage des rues, comme si la lune n’était pas le plus inconstant et le plus perfide des astres, comme si le moindre nuage n’était pas pour elle un prétexte excellent pour nous envoyer paître. Du reste, la lune est le satellite de la terre, c’est tout dire.

Depuis quelques jours on démolit deux portes, celle du Palais et celle de la côte Léry. Il en restera encore une, renouvelée à grands frais il y a sept ans, celle de la rue Saint-Jean. Combien faudra-t-il de temps encore pour qu’on se décide à démolir tous ces vieux remparts qui font à la capitale comme un bandeau de débris ? Nul ne peut le dire ; c’est le secret de l’honorable M. Langevin, ministre des travaux publics, qui est trop occupé d’élargir les canaux pour élargir les rues et donner de l’air à une population suffoquée. Pourtant, c’est au milieu de cette population que se trouvent ses