Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/396

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sables étincellent de l’éclat du métal ; l’homme seul languit, végète, emprunte, ne rend pas et s’exile.

Les habitants ! bonnes gens à qui nous devons tant, ils s’en vont, ils s’en vont ! Que restera-t-il, dans quelques années, du vieux Canada de nos aïeux ? Rien que les mauvaises terres. Ceux qui ont des faucheuses et des charrues de Chinic et Beaudet prolongeront leur agonie et mourront solitaires, dans un foyer déserté de presque tous leurs enfants.

Je ne vous l’ai jamais dit peut-être, mais mieux vaut tard que jamais. Le Canada est un pays avant tout, par-dessus tout, essentiellement industriel. Tant que nous n’aurons pas d’industries, nous perdrons nos fils et nos frères. Que vont-ils faire aux États-Unis ? Travailler aux fermes ? Jamais. Ils se précipitent dans les manufactures, ils y foisonnent, ils s’y comptent par centaines de mille ! Des centaines de mille qui nous manquent ! Devant ce chiffre je m’arrête éperdu. Il en faudrait si peu de tous ceux-là pour renverser le gouvernement et nous garder au pouvoir jusqu’aux générations les plus reculées ! La Confédération qui devait tout guérir et enrichir tout le monde, n’a fait que coaliser des misères et mettre ensemble des provinces qui se dépeuplent. Rendez-nous les Canadiens du pays, ô mânes de sir George ! sinon, nous allons tous, unanimement, adopter Hector pour chèfre et vous en grincerez des dents dans l’éternité que je vous souhaite.

Pauvre peuple ! Le voilà donc qui abandonne en