Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/409

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ou d’estomac ; elles enfoncent ce dard dans les pores de la peau, à travers n’importe quelle peau, fut-ce celle d’un crocodile, arrivent jusqu’à la chair, la mordent et en arrachent un morceau qu’elles vont manger ensuite sur les piquets de clôture, ou sur les souches. Elles ne sucent pas le sang, elles mangent, de sorte qu’elles finiraient par avaler des corps d’hommes tout entiers, si on les laissait faire. Elles ne demandent pas mieux.

Dans les champs, sur les pauvres bêtes à cornes, sur les chevaux et les moutons, c’est une fureur. Pour les combattre, les moutons se tiennent ensemble, serrés les uns contre lee autres, et ils courent droit devant eux afin de faire du vent. Les chevaux deviennent fous ; on les voit s’élancer dans des courses vertigineuses jusqu’aux limites des champs, puis revenir, tourner pendant des heures, blancs d’écume, ne s’arrêter que pour prendre haleine et s’élancer de nouveau, tout ensanglantés, aveuglés par la colère et la douleur. Quant aux bestiaux, ils passent la journée à chercher partout un souffle d’air, se précipitent dans le moindre vent, se battent les côtes sans relâche, se lèchent et se frottent incessamment, et, de guerre lasse, tombent épuisés sur l’herbe et se laissent dévorer. Alors, les horribles moustiques font rage ; elles entrent par centaines dans les oreilles, dans les yeux et à travers les poils des bêtes couvertes de sang ; elles s’y repaissent, se gonflent de chair et meurent en éclatant, frappées d’apoplexie.

Vous ne voyez rien, vous n’entendez aucun bourdonnement, et, en moins de cinq minutes, votre corps n’est qu’une suite de boursoufflures brûlantes : c’est la