Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/60

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j’en suis sorti sain et sauf ; c’est tout à fait absurde. — Cette Île aux Coudres est habitée, croiriez-vous ça ? Ce sont surtout des navigateurs et des pêcheurs, gens qui habitent partout.

Mais je suis injuste ; l’Île aux Coudres est une petite oasis verdoyante, dorée, inondée de rayons, touffue comme un bosquet. Elle contient à peu près mille habitants, primitifs comme aux jours où il n’y avait sur la terre que notre aïeul commun avec sa femme, mère de ces abominables et insupportables générations qui n’en finissent plus ; tant pis pour elles. Ce que c’est que la routine ! On déclame tous les jours contre elle et on la suit aveuglément, passionnément ; moi, célibataire, je m’en lave les mains.

Savez-vous que les habitants commencent à en avoir assez des dons célestes ? Ils demandaient à genoux des pluies, et Dieu leur a envoyé le déluge. La terre est comme un marais, de sorte que les habitants sont épouvantés de leur bonheur, et, comme il n’y a pas de traité de réciprocité avec les États-Unis, ils ne savent ce qu’ils feront de tous leurs trésors cet automne. Ne faisons pas de politique.

Puisque je suis sur la côte nord qui mène droit aux glaces éternelles, il faut que je vous rapporte quelque peu de mes impressions de voyage.

Dans les campagnes primitives du Canada, l’on est friand du merveilleux. La superstition y est aussi florissante qu’il y a cent ans, et qu’elle l’est, encore dans certaines parties des Pyrénées ou de la Basse-Bretagne. Il y a là quantité de goules, de sorciers à l’œil