Page:Buies - Chroniques, Tome 1, Humeurs et caprices, 1884.djvu/88

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principes ; l’une, de l’empereur de Russie signifiant à l’ambassadeur français « que la France restera isolée en Europe tant qu’elle gardera la forme républicaine ; » l’autre, de M. Letendre, rédacteur du Courrier de Rimouski, lequel déclare « qu’après des réflexions sérieuses, après maints efforts, il n’a découvert dans le libéralisme qu’une négation, pas de principe actif, pas de vie, pas de protection, pas d’avenir, et que c’est pour cela qu’il accepte la vie, la protection et l’avenir du parti conservateur qui ne se contente pas de promettre, mais qui donne… »

Il faut que l’empereur de Russie soit bien naïf et M. Letendre bien blasé ! Comment, pour sa part, M. Letendre peut-il concilier l’avenir avec un parti dont l’essence même est de ne se rattacher qu’au passé ? L’empereur de Russie peut avoir des illusions, puisque les souverains d’Europe ne sont plus eux-mêmes qu’une illusion vivante ; mais que M. Letendre perde les siennes au moment même où les libéraux voient se réaliser presque tous les articles de leur programme, c’est une aberration qui lui enlèvera au moins cent abonnés sur les deux cents qu’il pourrait avoir dans ce beau comté qui promet beaucoup, sans doute, mais qui donne peu. j’en parle par expérience, moi, démocrate, qui y possède un fief libre de toute redevance seigneuriale, mais non pas d’arrérages. Et cependant je garde mes illusions, au point de faire des chroniques, quand je ne puis rien saisir, quand tout m’échappe et me fuit. Oh ! les illusions, chères et douces consolatrices ! jamais le réel pourrait-il nous enrichir aussi bien que vous avec vos précieux mensonges, et que resterait-il donc aux chroniqueurs s’ils n’ajoutaient au prix monnayé