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VOYAGES.

biftecks, des éclats de bombes sous le nom de gâteaux, tout cela pour le prix de cinquante cents, ce qui représente un prix réduit. Ces petits restaurants, qui font concurrence au pompeux restaurant de la gare, sont pour les voyageurs désespérés, ou ceux qui ont beaucoup d’espoir en l’avenir, et qui, en attendant, ménagent le présent. Ils débutent toujours, à l’arrivée des trains, par faire un carillon de tous les diables, tandis que le restaurant de la gare, solennel et superbe, fait retentir une grosse cloche unique qu’on entend cinq minutes d’avance. Vous entrez ; sept ou huit nègres sont déjà au pas gymnastique pour vous offrir un siège et étaler devant vous une myriade de petits plats qui sont, pour les trois-quarts, des variétés de maïs, des condiments et des desserts poivrés qui ont le goût de moutarde sèche. Quand il ne reste plus que cinq minutes pour le départ du train, on vous apporte la viande ; vous engouffrez la tarte avec le poivre, la côtelette et le maïs, le saucisson avec les confitures ; il se forme au dedans de vous une boule de ciment sur laquelle vous précipitez une tasse de café qui la met en fermentation. Sortant de là, votre estomac est ou paralysé, ou en ébullition ; vous éprouvez un besoin furieux du trapèze, mais la grosse cloche retentit de nouveau, et, à la course, vous rentrez dans la prison flottante. Si vous ne descendez ni au restaurant de la gare, ni aux caboulots voisins, vous aurez la chance d’attraper, à quelques rares stations, une tasse de café ou un verre de lait, que vous serviront, à l’arrivée, des petites filles ou des petits garçons qui font, aussi eux, leur concurrence. Prenez-en ; ce café sera toujours très-bon et très-chaud, il ne vous coûtera que six cents, et le lait sera aussi riche, aussi pur que votre soif est intense. Du reste, sur toute la route du Pacifique, en quelque endroit que