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VOYAGES

ville est l’orgueil des San-Franciscains, et c’est la première chose qu’ils montrent à l’étranger surpris des dimensions et du luxe d’un pareil édifice dans une ville si jeune et comparativement si peu peuplée.

Quant aux hôtels, c’est un autre sujet d’étonnement. Il y en a trois principaux que j’ai nommés ci-dessus ; mais à part ceux-là, il y en a une quantité d’autres de deuxième et de troisième classe, et ainsi de suite jusqu’au boui-boui de l’émigrant sur les quais. Les trois hôtels de premier ordre se touchent presque, et il s’en bâtit un quatrième à deux pas d’eux qui les rejettera tous dans l’ombre : à ce compte, il faudra que ce soit un palais des mille et une nuits. On se demande à la vue de ces immenses et somptueux édifices ce qui peut les alimenter et les entretenir dans un luxe pareil. San-Francisco n’est en somme qu’une ville de 175,000 âmes, et les voyageurs qui y viennent, tout nombreux qu’ils soient, ne le sont pas encore cependant assez pour justifier tant de millions jetés dans une industrie qui doit avoir des bornes.

Piqué de curiosité à ce sujet, je m’informai directement au propriétaire du Lick-House, que j’avais réussi à aborder : « Les grands hôteliers de San-Francisco, me dit-il, ne font pas d’argent, tout au plus deux ou trois pour cent. Mais comme ils ont déjà leurs capitaux placés dans toutes les entreprises de la Californie, dans les compagnies de tout genre qui ont un objet sérieux, et qu’il leur en reste dont ils ne savent que faire, ils construisent des hôtels en vue de l’avenir. Ce qui, aujourd’hui, ne donne que deux pour cent, en donnera vingt dans dix ans. Il s’agit de bâtir notre ville, et c’est là un des moyens que nous employons.