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Page:Buies - Chroniques, Tome 2, Voyages, 1875.djvu/200

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VOYAGES

Je descendais du train, suivant mon invariable habitude à chaque station, lorsque je me vis aborder avec une courtoisie particulière par un homme qui descendait, aussi lui, d’un des cars, et qui me demanda si je connaissais la localité et s’il pourrait s’y procurer une bonne bouteille de cognac. I don’t even know the name of the place, lui répondis-je : je suis aussi étranger ici que vous le seriez peut-être à Kamouraska ou à Lévis. — Lévis ! Lévis ! reprit mon personnage dont les manières me plaisaient réellement, quoique j’en fûsse un peu surpris, Lévis, c’est un nom canadien, cela, est-ce que vous seriez du Canada par hasard ? — Ma foi, repris-je, oui, un peu, beaucoup même, passionnément ; à ce point que j’en arrive et que j’y retourne…. — « Oh ! alors, faites-moi le plaisir de venir essayer le cognac avec moi ; nous allons causer cinq minutes de votre pays. »

Je m’exécutai avec grâce et suivis mon individu qui entra, indifféremment en apparence, dans le premier saloon qui se trouvait devant nous. Nous nous fîmes servir chacun un verre. Ce saloon n’avait pas une physionomie très-respectable, et j’en avais été frappé un instant, mais qu’est-ce que cela me faisait après tout ? Dans un petit village perdu de l’Utah, on aurait mauvaise grâce à s’occuper beaucoup des apparences. À une table près de la bar, était assis un homme presque déguenillé, qui remuait un tas d’or et laissait tomber en outre, à droite et à gauche autour de lui, à même une liasse de greenbacks, quelques billets de vingt et de dix dollars. Il semblait complètement ivre ; il parlait à tort et à travers avec une langue épaisse et roulait des yeux cailles en demandant à tout le monde de tirer aux cartes avec lui.