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VOYAGES

d’endroits, on cache mieux son dénûment, ou du moins, on ne le laisse pas autant soupçonner. Avec les pauvres il est difficile de ne pas passer pour pauvre ; avec les riches, le toupet peut remplacer l’argent, et l’apparence est toujours victorieuse, pourvu qu’on sache s’en parer avec art.

Je montai à ma chambre où je passai trois heures à me laver ; je fis la toilette la plus imposante possible avec les débris de vêtements qui me restaient, puis je descendis, superbe, avec l’intention de prendre le train le lendemain dimanche, pour me rendre en droite ligne à Montréal. — Remarquons en passant que, dans l’Ouest, le dimanche est à peu près inconnu, et que les chemins de fer y circulent ce jour là absolument comme tous les autres jours de la semaine. Je n’avais pas le moindre doute qu’une lettre de change m’attendit au bureau de poste, et j’y courus avec toute la vitesse de l’impatience. En arrivant, je trouvai les portes closes ; le bureau venait de fermer depuis cinq minutes. « Bon, me dis-je, comme je ne puis toujours bien pas partir avant demain après-midi, à trois heures, il sera toujours temps d’avoir mon argent dans la matinée. » Mais je ne songeais pas que le lendemain étant le dimanche, je ne pourrais pas faire négocier ma lettre de change, au cas où elle fût arrivée, et que j’en aurais nécessairement pour une journée de plus à Omaha. Chemin faisant, j’appris que le bureau de poste ne serait ouvert le lendemain qu’entre midi et une heure ; cela m’était à peu près égal pourvu que mon argent y fût, mais ce qui ne m’était pas indifférent, ce qui était même absolument impossible, c’était de passer deux grandes journées à Omaha sans un sou dans ma poche.