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VOYAGES

dit en dix mots ce que j’aurais écrit en cinq pages. Pour ce télégramme, il fallait deux dollars. J’engageai mon pistolet qui m’en rapporta cinq, et je courus au bureau du télégraphe.

Mon message partit, et toute la journée j’attendis en vain une réponse. J’étais allé peut-être trente fois d’un bureau à un autre, et les opérateurs avaient fini par être tellement fatigués de moi qu’ils me regardaient à peine et me répondaient après la troisième ou la quatrième question. — Les ai-je ahuris, les ai-je ennuyés, tanés, fendus, sciés dans tous les sens, ces pauvres opérateurs ! Ils tenaient bureau de jour et bureau de nuit ; à deux heures, à trois heures du matin, j’arrivais et je demandais une dépêche, et toute la journée en outre je les harcelais. — Enfin, je voulus frapper un grand coup, j’allai trouver le surintendant lui-même d’une des lignes et lui déclarai qu’il me fallait absolument une réponse que j’y avais droit, que je soupçonnais mes dépêches de n’avoir pas été régulièrement expédiées, et qu’il était tenu de s’informer si, au moins, elles avaient été livrées à leurs destinataires à Montréal,

Le surintendant me fit justice : il envoya lui-même une dépêche au bureau de Montréal et réclama une réponse catégorique, en me disant de revenir le lendemain. Il était alors onze heures du soir ; je me rendis à mon hôtel un peu tranquillisé. Dès huit heures, le lendemain matin, je me trouvais à l’ouverture du bureau de jour. Il n’y avait pas encore de réponse, mais je n’avais pas de raison de m’en étonner ; un opérateur m’expliqua que toutes les dépêches envoyées des États de l’Ouest au Canada devaient subir un temps d’arrêt à Détroit, d’où elles étaient réexpédiées dans mon pays par des lignes canadiennes ; il me donna à entendre que la réponse au message du surintendant pourrait bien ne pas arriver avant le soir.