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VOYAGES

prouver la supériorité de l’Amérique sur tous les autres pays du monde, si nous étions appelés à démontrer la puissance de ses institutions, l’accroissement de son commerce, l’énergie irrésistible de son peuple, l’extension de son industrie, son aptitude à se servir de tous les avantages que la nature lui a départis, si nous étions appelés à démontrer cela, nous n’aurions autre chose à faire qu’à citer Chicago, la ville modèle (the standard city) de l’Amérique. »

Ce qui fait avant tout la grandeur des américains en général, c’est la liberté. Ces fils de l’étendue sont libres comme l’air. Rien ne forme plus vite, rien ne fait les hommes plus mûrs et plus complets que l’usage de la liberté. Cependant, il faut admettre qu’en dehors des grandes choses qu’elle inspire, les américains sont les plus puérils et les plus futiles des hommes ; ils sont jeunes, voilà pourquoi ils sont enfants. Mais laissons là les appréciations et revenons à Chicago que je ne crois pas devoir laisser ainsi sans appuyer sur certains détails vraiment surprenants.

L’habitant de cette ville presque fabuleuse n’admet pas l’impossible ; il est persuadé que Chicago peut tout faire et finira par tout faire. C’est provoquer son sourire que de lui parler de Babylone, de Carthage, de Rome ou de Paris ; il n’a aucun doute que Chicago ne devienne rapidement la première ville du monde entier, et il le démontre par des calculs de recensement qui seraient très-exacts s’ils suivaient toujours une marche régulière et s’ils gardaient des proportions invariables. Ainsi, cette métropole qui n’avait que trente habitants en 1829, en avait huit mille en 1844, quatre-vingt mille en 1855, cent-cinquante mille en 1863, et enfin deux-