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VOYAGES

cent-soixante mille en 1866, trois ans après seulement : — d’où il résulte, les proportions étant suivies, que Chicago devrait avoir un million en 1880, et en 1900 le double de la population actuelle de New-York. En moins d’un demi-siècle, la population de Chicago dépasserait celle de Londres et atteindrait celle de la Rome des Césars, qui comptait cinq millions d’âmes. Le Dominion tout entier n’en contient pas encore autant.

Si j’allais maintenant exposer quelques statistiques de commerce, en regard de celles de la population, le lecteur serait épouvanté de leur développement énorme :

« Pour tout homme qui a une notion quelconque des résultats généraux du commerce d’un état ou d’une ville, dit un auteur moderne, les statistiques de Chicago ont quelque chose de fantastique, d’incroyable même.

« Les Illinois qui habitent Chicago sont très fiers de leur ville. Ce sont les Marseillais des États-Unis. Ils ont la réputation d’être vantards ; la vérité est qu’ils sont les citoyens les plus entreprenants de la république ; ils aiment les gros chiffres, et, comme pour beaucoup d’intelligences vives et peu cultivées, la statistique a pour eux un charme tout particulier. Ils tournent et retournent les sommes de leur commerce dans tous les sens et arrivent à faire des rapprochemens insensés. Ils savent combien de fois le bois importé annuellement à Chicago pourrait faire le tour du monde, et ils se frottent les mains d’un air provoquant en énonçant cette singularité. En parlant d’un riche industriel, un Illinois me dit : « Il a autant de dollars de revenu qu’il entre de briques dans la construction de telle église. »

Après vingt-quatre heures de séjour à Chicago, ce style hyperbolique n’a plus rien qui surprenne un européen,