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Page:Buies - Chroniques, Tome 2, Voyages, 1875.djvu/325

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le dernier mot.

hommes. Cinquante, cent hommes de génie ne sont rien parce que le torrent du temps passe et emporte tout.

Alexandre, Platon, Cicéron, César sont morts, il y a déjà vingt siècles et plus. Ces hommes là en général vivent moins longtemps que les autres, mais ils vivent plus longtemps après leur mort. Qu’est-ce qui fait les hommes grands ? C’est le souvenir plus long qu’ils laissent ; ils prennent plus de place dans le vide. On mesure et on pèse le crâne de chacun d’eux ; il contient plus de poussière que celui de la plupart des humains ; cet excédant de poussière fait l’immortalité.

Diogène fut le plus sage des hommes. « Je ne demande qu’une chose, » disait-il à Alexandre, « c’est que tu t’ôtes de devant mon soleil. » Et ce philosophe chrétien à un grand empereur : « De tout ce que vous m’offrez, je ne désire qu’une chose, le salut de votre âme. » Ces deux hommes comprenaient que tout est rien.



Ah ! penser, espérer, aimer, dévouer toute sa vie à un objet ou à une affection, jeter les germes de choses qui dureront des siècles, avoir des aspirations infinies, rêver constamment des cieux, de l’éternité, de l’immensité, quand on est un pauvre petit être qui ne peut seulement pas s’élever à un pied de terre, sentir le monde comme trop petit pour le bonheur qu’on peut avoir dans une minute de ravissement, avoir des désirs qui, réalisés, feraient de chaque homme un dieu éternel, omniscient, omnipotent ; tout concevoir, tout embrasser, tout vouloir, tout espérer, et savoir