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le dernier mot.

pourrait être notre mission, notre œuvre ici-bas ? Quels progrès, quels perfectionnements pourrait-on désirer ? À quoi servirait de travailler pour une succession d’êtres qui ne sont rien, dont les générations se poussent les unes les autres dans le vide ? Naître uniquement pour mourir !……Je défie qu’il y ait un seul homme au monde qui ose affirmer cela nettement et qui en soit convaincu. Si ce monstre existe, on ne peut lui répondre qu’une chose, c’est qu’il le mérite.

« Rien ne meurt et tout se transforme » dit le matérialiste. Soit : mon corps, je l’abandonne ; qu’on le brûle, qu’on l’embaume, qu’il serve à l’étude médicale ou qu’il aille engraisser la terre, peu m’importe ! mais mon âme…… — « Il n’y a plus d’âme quand la vie est détruite » — ah ! vraiment. Eh bien ! si cela est, si cet esprit qui est en moi, pour qui l’immensité elle-même n’est pas trop grande, si cet esprit qui n’a de bornes dans aucun sens, qui conçoit tout, les choses même les plus en dehors de son atteinte, qui se porte en un instant au sein de tous les mondes, si cet esprit n’est pas autre chose que le morceau de boue, que la poussière accumulée qui a revêtu quelques jours une forme humaine, il n’y a plus rien de vrai, je n’existe pas, rien n’existe, il n’y a même de Dieu, car l’esprit de chaque homme ne peut être qu’une émanation de celui de Dieu, — tout ce qui est de la pensée est divin — les milliards d’astres qui peuplent l’étendue ne sont qu’une fiction, la grande âme universelle est effacée et ainsi la nature entière est anéantie.

Mais il faudra peut-être l’effort de bien des matérialistes réunis pour renverser la création ; il en faudra bien autant pour qu’avec une raison infirme, pleine de ténèbres, qui erre sans cesse, ils puissent formuler quelque chose d’absolu.

FIN