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le dernier mot.

néant d’où nous sommes sortis par un cruel mystère, rendons à la nature son perfide cadeau, et, afin de ne plus être quelque chose au prix de toutes les douleurs, ne soyons plus rien : voilà la seule solution conséquente et sensée du matérialisme. Ce système est l’ennemi de tout ce qui constitue l’homme spirituel, eh bien ! qu’il le détruise, et, avec lui, l’homme physique qui en est inséparable. Quand notre pauvre planète sera ainsi dépeuplée, soyons tranquilles ; l’humanité a encore bien d’autres lieux de refuge, à part ce petit morceau de l’univers froid, dur, noir et stérile, qu’elle arrose de ses sueurs depuis des milliers d’années.



Il n’y a qu’une chose dont il vaille la peine que l’homme s’occupe, la vie éternelle, et c’est précisément la seule qu’il ne pourrait atteindre ! Il n’a qu’un seul objet sérieux, un seul désir réel, et cet objet et ce désir ne seraient qu’une chimère de son imagination ! Toute son existence depuis le berceau n’est qu’une marche plus ou moins rapide vers la limite qui le sépare du monde des esprits, un monde qu’il sait lui appartenir, vers lequel il tend avec une conviction qui peut être ébranlée, mais jamais détruite dans aucun homme, parce qu’elle est au dessus de lui, au dessus de son analyse et de sa science, et il ne trouverait au bout de cette marche, une fois finie, que le néant ! Non, un destin aussi horrible pour une aussi frêle créature est impossible. Il y a au terme de l’agonie un moment inexprimable, que nul ne saurait franchir sans tout le renfort, sans tout l’appui des espérances futures. Que dis-je ? La vie entière ne serait qu’une agonie continuelle, et quelle