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CHRONIQUES

tous les jours par de monstrueux attentats. Mais nous qui avons passé par toutes les épreuves d’une civilisation qui a coûté tant de sacrifices, devons-nous hériter des erreurs de ces temps malheureux ? devons-nous les sanctionner et les maintenir ? Ah ! il a coulé assez de sang innocent durant ces longs siècles de barbarie et d’ignorance pour expier à jamais tous les crimes des hommes !

On ne peut rendre un jugement irrévocable que lorsqu’il est infaillible, parce qu’il faut toujours laisser place à la réparation quand on peut commettre une erreur fatale. Ne pouvant pas rendre la vie à un homme, on n’est donc pas en droit de la lui ôter.

Le châtiment n’a d’autre objet que d’amender. Or on ne corrige point un homme en l’immolant et l’on pervertit les autres hommes par le spectacle de cette barbarie. On les pervertit ; des milliers de faits attestent la vérité de cette assertion ; et c’est si bien le cas que pour échapper à l’inflexibilité de la logique, à une réforme radicale de la pénalité, on propose de rendre les exécutions secrètes. C’est donc le droit de pervertir les hommes que la société a réclamé jusqu’ici.

Dieu nous a donné le droit de nous protéger ; c’est pour cela qu’il n’a pu nous donner celui de tuer un criminel qu’on a mis dans l’impuissance de nuire. Et comme corollaire, ajoutons que toute peine est injuste dès qu’elle n’est pas nécessaire au maintien de la sécurité publique.

La peine de mort n’est pas un droit, c’est une institution, et ce qui le prouve, c’est qu’elle s’est modifiée. Le droit, étant éternel, ne se modifie pas. Autrefois on condamnait à mort pour vol, pour cause politique, on mutilait, on torturait ; la société disait qu’elle en avait le droit. Aujour-