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VOYAGES.

fait uniquement pour subir ; il résiste, il fait face à la destinée. La femme ! c’est tout autre chose. Ce qui fait sa force, c’est sa faiblesse. Elle plie, se résigne, accepte, se sent incapable de la lutte, et on appelle cela de la force ! Quand la nécessité empoigne la femme, elle devient un instrument fatal ; elle a alors toute la dureté, toute l’implacabilité du destin ; on la croit et elle se croit déterminée ; non pas, mais elle entre dans la force des choses, elle devient un des ressorts de cette immuable volonté supérieure qui serait la fatalité si elle n’était la Providence, et alors sa volonté, ou ce qu’on appelle ainsi, et qui n’est rien autre chose que sa soumission, devient aveugle, sourde, implacable, féroce. La véritable volonté humaine est toujours accessible par quelque côté ; la pitié est souvent une grande force, mais la femme étant faible est cruelle ; elle a besoin de se prémunir contre elle-même, et, ne sachant souvent quel moyen prendre, elle devient atroce et le monstre se révèle. Depuis Adam, l’histoire est toujours la même ; la femme tente l’homme, le séduit, l’enchante par mille tromperies doucereuses, le fait tomber de chute en chute, et, lorsqu’elle le voit perdu à tout jamais, elle l’abandonne…… Si la mère Ève n’a pas abandonné Adam, c’est qu’elle n’avait pas le choix, Mathusalem ne devant venir que trop tard.


III


Depuis je ne sais combien de temps le train filait sur les prairies de l’Illinois qu’on appelle les rolling prairies, à cause de leurs ondulations et de leur croupe flottante comme