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L’OUTAOUAIS SUPÉRIEUR

des billots que le rapide emportait avec lui dans sa course irrésistible.

C’est de cette façon et par cette seule voie qu’ont été transportées, pendant de longues années, les provisions destinées aux hommes de chantier du haut Outaouais ; c’est ainsi que des familles entières de hardis et courageux colons se sont transportées, depuis l’établissement du Témiscamingue, dans cette région lointaine, déserte, inhabitée. Et qu’avaient-elles en perspective, une fois parvenues à destination ? Des privations de toute nature, un abîme entre elles et les lieux aimés qu’elles ne reverraient peut-être jamais, l’éloignement et la solitude dont la lourde étreinte serrait les cœurs et abattait les courages, enfin, la misère elle-même, sous vingt formes différentes et toujours menaçantes, sans aucun moyen d’y remédier où même de la combattre.

Sur la route, pas une maison pour les accueillir, pas un abri pour se reposer ou échapper aux orages. Une fois engagé dans ce chemin implacable, il fallait marcher toujours jusqu’à ce qu’on fût arrivé au terme, et quel terme ! Un emplacement nu, souvent ravagé par le feu, et toutes les images de la désolation s’offrant en foule pour abattre, dès la première heure, les plus viriles natures. Que de fois la Mission des Oblats n’a-t-elle pas recueilli, hébergé et nourri des familles entières sans ressource au-