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L’OUTAOUAIS SUPÉRIEUR

cune ! Que de fois des colons, venus seuls, n’ont pas eu le courage de retourner chercher leurs femmes et leurs enfants, et sont-ils restés une année, deux années, dans un isolement complet, préparant péniblement une demeure primitive et arrosant de sueurs un sol fertile, sans doute, mais qui exigeait tant de travaux préliminaires avant de donner la plus maigre subsistance !

Mais dans notre siècle de prodigieuses entreprises, de marches précipitées, jamais interrompues ni ralenties, vers un avenir qui grandit sans cesse, et dans des proportions centuplées, à mesure qu’il se découvre ; dans ce siècle où la terre, tant les distances se sont effacées, semble déjà trop petite pour l’homme qui songe à gravir l’espace lui même, afin d’agrandir en quelque sorte la sphère de son domaine ou pour conquérir des mondes inconnus ; dans ce siècle où la vapeur, sifflant par des millions de bouches, emplit l’atmosphère d’une sorte de fièvre qui met en feu tous les cerveaux et donne des ailes de flamme à toutes les volontés, où l’on ne compte déjà plus les efforts à faire, mais seulement les résultats à obtenir, les victoires à remporter sur l’espace et sur la nature, où les projets de la veille sont le fait accompli du lendemain, où l’on ne mesure plus ses pas par la distance à parcourir, mais par la distance parcourue, il était évident qu’une colonisa-