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ment pour les écoles sectaires, consacrant ainsi le principe de la séparation absolue de l’Église et de l’État, et elle est sur le point d’adopter un système d’éducation supérieure universitaire, c’est-à-dire libre.

À propos de M. Havin, directeur politique du Siècle de Paris, le grand prêtre, comme on l’appelle, les journaux canadiens ont tous reproduit avec emphase et triomphe, d’après un petit article arrangé pour la circonstance par un journal clérical de France, que M. Havin était mort administré et tout prêt à être lancé dans l’autre monde, après avoir confessé ses erreurs.

Or, le fait, le fait véritable, est que M. Havin est mort d’une congestion cérébrale qui a duré huit jours sans qu’il pût reprendre ses sens, sans qu’il pût même reconnaître personne, malgré les efforts répétés de Mme Havin, qui, malade elle-même, s’était fait porter auprès du moribond.

La forte constitution de M. Havin a lutté huit jours durant contre la mort ; mais le cerveau avait cessé de fonctionner.

La Minerve elle même se charge de nous apprendre que M. Havin, pris d’une fièvre mortelle à la suite d’un échec électoral, a été jusqu’à sa mort dans un délire continu, pendant lequel il ne cessait de répéter « cinq cents voix de majorité, cinq cents voix de majorité ! »

Si c’est là la confession de M. Havin, je comprends qu’on l’ait promptement absous.

Il m’est venu une réflexion. Si j’enseignais une doctrine, il me semble que j’aurais honte de recruter des adhérents parmi ceux que leur esprit affaibli met hors d’état de rien juger ni comprendre. Je ne me targuerais pas, au contraire je rougirais de ces conversions in extremis qui ne prouvent qu’une chose, c’est que l’homme, à l’heure de la mort, est un être passif, incapable de lutter contre les obsessions, en proie le plus souvent à des terreurs imaginaires dont il se moque dans l’exercice plein de ses facultés, mais, qu’à l’heure de la mort, il n’a plus l’énergie de repousser, n’ayant même plus celle d’exprimer un désir.

Quoi ! voilà une vérité incontestable, révélée ; voilà un enseignement qu’on appelle divin, et on ne peut le persuader qu’à des mourants qui ne comprennent pas ?

Voilà un homme qui se sera moqué de vous pendant soixante ans, qui vous aura confondus dans toutes les polémiques, et vous triompherez de le voir pendant cinq minutes résigné à vous entendre, parce qu’il ne sait même pas ce que vous lui voulez !

Vous êtes donc à bout de moyens pour que votre doctrine, pour que votre voix n’aient d’ascendant qu’au milieu des râles !