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Lorsque John Surratt, poursuivi pour complicité dans l’assassinat de Lincoln, échappa à la police américaine, il vint se réfugier à Montréal. Un prêtre de l’évêché, M. Lapierre, le prit sous sa garde et le cacha deux mois dans une maison de cette ville. Menacé d’être découvert, il le confia aux soins du curé de Belœil, M. Boucher, qui le garda, renfermé dans une chambre de son presbytère, pendant plus d’un mois, après quoi il le conduisit, travesti, transformé, à bord du Peruvian qui partait pour l’Europe.

En route, Surratt raconta tous ces détails au docteur McMillan, de Sweetsburg, en qui il croyait trouver un complice ou un protecteur, puisque le curé Boucher le lui avait recommandé. Mais arrivé à Liverpool, McMillan alla dénoncer Surratt, qui réussit à s’échapper encore, comme on sait.

Revenu au Canada, McMillan raconta ces faits, comparut même en cour à Washington, où il donna les plus minutieux détails qu’il avait appris de la bouche même de Surratt. Alors, M. l’abbé Boucher écrivit contre lui des articles dans la Minerve, où il le qualifiait de parjure, d’homme sans honnêteté, de médecin exerçant une pratique criminelle…

M. McMillan fit aussitôt faire une enquête qui ne tarda pas à le laver des odieuses accusations que M. le curé avait imaginées pour le besoin de sa cause, et il fit de plus condamner le dit M. le curé à 200 dollars de dommages-intérêts pour calomnies.

Si le docteur McMillan était tel qu’on le représentait, M. le curé Boucher eût pu lui fournir des cas de source non équivoque, dit la rumeur : car il parait que ce curé en a fait de jolies à Belœil.

Étant allé l’an dernier à Portland avec deux autres curés du diocèse de Montréal, habillés en laïques et portant de faux noms, au moment où il s’amusait le plus avec ses joyeux camarades qui s’étaient complètement déboutonnés, n’a-t-il pas la déveine de tomber nez à nez avec une jeune fille qu’il avait très-intimement connue, et qui se trouvait alors servante de l’hôtel où étaient descendus saintement les trois curés pour faire des conversions, c’est-à-dire pour changer les bouteilles pleines en bouteilles vides.

Comment ! s’écria-t-elle, c’est vous, M. le curé, c’est vous, ici, dans cet attirail… ah ! elle est bonne !…

— Moi, M. le curé ! Qui ça… qu’est-ce,… que… vous, mais… je… ne suis pas… soyez cert… ah !

Et le lendemain, de fort bonne heure, M. le curé décampait, tel qu’il appert en détail, fort au long, dans le procès de Surratt qui a eu lieu dernièrement à Washington, M. le curé Boucher étant témoin ; procès que j’ai en ma possession, imprimé très bellement, en 2 volumes, petit in-octavo, couvert bleu, sans indulgences y attachées, car il n’y a que des vérités dedans.

Ces deux volumes m’ont été envoyés par le gouvernement de Washington, avec lequel je suis en relations très-suivies, et je les déclare authentiques.