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bles, puisqu’il a suffi de leur fermer une porte au nez pour les mettre à la raison. C’est le moment de les insulter.

Mais auparavant, qu’on me permette de m’étonner de ce que les Fénians, n’étant pas plus dangereux ni plus féroces qu’ils se sont montrés il y a quinze jours, on ait fait depuis deux ans de si nombreux et de si vigoureux appels aux volontaires pour les repousser. Pourquoi, puisque nous sommes un peuple loyal par excellence, comme nos ministres s’épuisent à le dire, avons-nous besoin de tant de stimulants pour échauffer notre patriotisme ? M. Cartier voulait-il emplir les cadres des volontaires et trouver ses 40,000 hommes ? Mais puisque le Canada est prêt à s’offrir lui-même aux dévastations des armées en campagne, est-il nécessaire d’imaginer à chaque instant des invasions de Fénians pour éprouver notre zèle britannique ?

Je n’aime pas les gens qui vont à la messe avec de gros livres qu’ils tiennent à deux mains, carrément appuyés sur l’épigastre, et qui regardent de tous les côtés pour voir si on les remarque. Je connais une femme qui sort ainsi cinq ou six fois par jour de Notre Dame de Pitié, avec un livre qui lui couvre toute la poitrine. Si je la revois, je jure de lui faire un affront et de lui demander si elle sait lire.

La fausse piété cherche toujours à se montrer, parce qu’elle n’est que ce qu’elle paraît. Mais la vraie piété se cache, comme celle du rédacteur du Nouveau-Monde qui n’a jamais fait voir ce qu’il fait de bien.

Je rencontre un ami dernièrement ; il s’agissait de savoir si je mettrais mon nom à cette Lanterne. « Ne signez pas, me dit-il ; vous ne sauriez croire combien il y a de gens pour qui votre nom est un épouvantail ; vous empêcherez la vente. » — « Ah bah ! répondis-je, ceux qui m’en veulent tant sans me connaître ne savent pas lire ; que mon nom paraisse ou non, qu’en sauront-ils ? Ils ne le verront pas. Tandis que mes amis seront contents de le voir paraître. Déplaire à cent ennemis pour plaire à un ami, ce n’est pas là un sacrifice ; je n’hésite pas, je signe.

L’Ordre entend l’emprunt. C’est là qu’il est libéral.

Ainsi, l’autre jour, il empruntait une colonne entière au Pays sans lui en tenir le moindre compte. Maintenant il emprunte au Nouveau-Monde, journal qui lui interdit jusqu’aux qualités et titres qu’il veut prendre. Il est évident que l’Ordre n’est d’aucun parti, puisqu’il s’habille indifféremment de toutes les défroques.

Depuis que ce pauvre journal n’est plus que l’Ordre tout bonnement, sans qualification ni couleur, tout le monde se jette dessus comme sur le baudet. Voilà ce que c’est. Quand on a des ennemis, il faut avoir en revanche des amis qui vous soutiennent. La plus mau-