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C’est ce qu’il fait aujourd’hui en Canada, étant incapable de se défendre contre les faits, et le pouvant encore moins en employant la raison, puisqu’il condamne la raison elle-même.

« J’ai avec moi la vérité, je ne discute pas, » dit-il.

Mais si vous avez avec vous la vérité, vous devez être fiers de la faire voir. Seuls d’entre tous les mortels, vous possédez ce trésor inestimable, étalez-le donc, montrez-le sous tous ses aspects, glorifiez-vous de ce qu’on le touche et qu’on constate, après examen, qu’il est bien à vous.

« Dans ce monde, dit Louis Blanc, la grande affaire est d’avoir la vérité de son côté, lorsque les flambeaux brûlent. Mais encore faut-il qu’on ne les éteigne pas. La discussion ne tue que l’erreur. Celui qui croit être dans le vrai, doit désirer les attaques au lieu de les craindre, pourvu que ce soit en plein jour ; et, s’il est sincère, il dira volontiers comme Ajax : —

« Dieu, rends-nous la lumière, et combats contre nous.»

Mais lorsqu’au lieu d’une pierre précieuse on n’a qu’une imitation dont le vulgaire ne voit pas la différence, lorsqu’au lieu du vrai on n’a que le clinquant, on redoute de l’exposer de trop près aux yeux expérimentés.

Je vous appelle à réfuter ce que je dis, je vous y provoque de mille manières, et vous restez dans le silence.

Vetabo qui Cereris sacrum vulgarit

La vieille histoire toujours de l’autorité contre la recherche.

D’où vient donc que Luther, lorsqu’il proclama le libre examen, vous arracha la moitié de l’Europe ? C’était la moitié intelligente, comme je vais le démontrer tout à l’heure ; il ne vous resta que ceux qui étaient incapables d’examen, et ceux qui avaient intérêt à ne pas examiner.

Mais ne rendons pas trop hommage à Luther d’avoir déchiré le voile. La vraie formule de la Réformation, les Vaudois l’avaient trouvée et proclamée avant lui, lorsqu’ils s’écrièrent. « Tous les chrétiens sont prêtres, » c’est-à-dire qu’ils ont tous le droit de comprendre ce qu’ils croient, contrairement aux trois quarts des prêtres de nos jours qui ne croient pas, et qui comprennent encore moins.

Je reviens à la croisade contre les Albigeois.

Pour détruire tous les scrupules, Innocent III écrivit au roi : « On ne doit pas garder sa foi à qui ne la garde pas à Dieu. »

Cette guerre qui devait être un travail court, comme disaient les moines, dura quarante ans, plus soixante ans de persécution.