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Quelle triste analogie cette émigration n’offre-t-elle pas avec celle des Canadiens depuis cinquante ans ! Tous nos hommes forts, vaillants, préférant le travail qui affranchit à la misère qui enchaîne, sont allés aux États-Unis où il n’y a pas de joug clérical qui paralyse l’essor individuel et l’essor national. Là ils sont des hommes. Ici, il nous est resté deux générations moutonnières, agenouillées au son des cloches, et tellement accablées de bénédictions célestes qu’elles ont perdu absolument de vue les choses de cette terre où, cependant, leur destinée est de vivre

Pie v demanda à la reine d’Angleterre, Elizabeth, de chasser de son royaume les réfugiés protestants qu’il appelait ebriosi omnium pestissimi, eux qui donnaient l’exemple de toutes les vertus domestiques.

L’évêque anglais Jewel rétorqua en reprochant au Saint Père de couvrir de sa protection 6,000 usuriers et 20,000 courtisanes dans Rome.

Le système d’extermination et les mesures déployées contre les hérétiques réussirent au-delà de tout espoir. Les Flandres devinrent presque un désert : « Les bêtes sauvages, dit un historien du temps, couvraient le pays et les louves venaient allaiter leurs petits dans les fermes abandonnées par les paysans. » Le duc d’Albe avait détruit l’industrie, le commerce, réduit les catholiques eux-mêmes à la pauvreté. Gand porte encore aujourd’hui la trace des blessures que reçut son ancienne prospérité. En 1585, après le sac d’Anvers, un tiers des marchands et des fabricants de soieries, damas et autres étoffes, avait dit adieu à cette ville ruinée. « J’ai vu, en 1814, les rues désertes de Bruges, ses vieilles et curieuses maisons tombant pierre à pierre, ses belles églises, ses monuments, sa tristesse, sa misère, sa solitude. Encore un tiers de la population vit-il sous la loi de l’aumône. Les femmes, la tête à demi recouverte d’un chapeau rouge et la taille enveloppée dans une mante espagnole, ne sont plus que les ombres de ces riches Flamandes dont on vantait autrefois le caractère laborieux et les vertus domestiques. Grâce à Philippe ii, Bruges est une ville orthodoxe, oisive et mendiante. L’Inquisition triomphait, mais les finances étaient ruinées, et le royaume sur lequel ne se couchait jamais le soleil, touchait à la banqueroute. »

En 1530, conquête du Pérou, — nouvelle croisade.

Dieux aventuriers audacieux, Pizarre et Diego de Almagro, s’associent à Fernand de Lucques pour la conquête qu’ils méditent.

Ce dernier « était un prêtre avide qui s’était prodigieusement enrichi par toutes les voies que la superstition rend faciles à son état, et par quelques moyens particuliers qui tenaient aux mœurs de son siècle.