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Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/158

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« Lucques consacra publiquement une hostie dont il consomma une partie et partagea le reste entre ses deux associés qui jurèrent tous trois, par le sang de leur Dieu de ne pas épargner, pour s’enrichir, celui des hommes. » (Raynal, Histoire philosophique des Indes.) Raynal est inconnu dans les colléges du Canada.

Les Péruviens étaient un peuple doux, tranquille et heureux. Leur empire avait fleuri sous onze Incas consécutifs, tous prudents, humains et justes.

Ils comblèrent de présents les Espagnols qu’ils croyaient descendus du soleil. « L’Inca embrasse Pizarre et le fait servir par des princesses. Ils conviennent tous deux d’un rendez-vous pour le lendemain.

« Atahualpa, c’était le nom de l’Inca, s’y rend escorté de vingt mille hommes.

« Ils étaient assez près du palais de Pizarre lorsqu’un Jacobin, nommé Vincent, le crucifix dans une main, son bréviaire dans l’autre, pénètre jusqu’à l’empereur. Il arrête la marche de ce prince pour lui faire un long discours dans lequel il lui expose la religion chrétienne, le presse d’embrasser ce culte et lui propose de se soumettre au roi d’Espagne, à qui le pape avait donné le Pérou. »

« L’empereur, qui l’avait écouté avec beaucoup de patience, lui répondit qu’il voulait bien être l’ami du roi d’Espagne, mais non son tributaire ; qu’il fallait que le pape fût un grand imbécile pour donner si libéralement ce qui n’était pas à lui ; qu’il ne quittait pas sa religion pour une autre ; et que, si les chrétiens adoraient un Dieu mort sur une croix, il adorait le soleil qui ne mourait jamais.

« Il demanda ensuite au moine où il avait appris tout ce qu’il venait dire de Dieu et de la création. — Dans ce livre, répondit Vincent, en présentant son bréviaire à l’empereur.

« Atahualpa prend le livre et le regarde de tous côtés, se met à rire, et, jetant le bréviaire : « Ce livre, dit-il, ne me dit rien de tout cela. » Vincent se retourne vers les Espagnols et leur crie de toutes ses forces : « Vengeance, mes amis, Vengeance, chrétiens ; voyez-vous comme il méprise l’évangile, il l’a jeté par terre ; tuez-moi ces chiens qui foulent aux pieds la loi de Dieu. » (Id.)

Les Espagnols, qui n’attendaient qu’un signal, se ruent alors sur les Péruviens, et en font un carnage affreux. Vincent excitait les soldats fatigués de tuer, leur criant de se servir de la pointe et non du tranchant de leurs épées pour faire des blessures plus profondes.

Au retour de cette boucherie, les Espagnols passèrent la nuit à s’enivrer, à danser, à se livrer à tous les excès de la débauche.

Cette débauche a duré deux cents ans. Et savez-vous ce qui est résulté de cette conquête entreprise au nom du catholicisme ? L’ex-