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3o. Toute personne qui la portera sur soi, qui dira sept fois le Pater et l’Ave Maria tous les jours, ne mourra jamais ni de feu, ni de poison, ni de mort subite, ni d’accidents, et sans avoir reçu les sacrements.

4o. Il sera préservé des peines éternelles et les portes du ciel seront ouvertes pour lui.

Cette belle prière est utile et obligatoire à tout bon chrétien catholique, apostolique et romain. – Prix, 10 centimes.

Certes, dix centimes (deux sous), ça n’est pas cher pour une lettre autographe de la vierge Marie et une révélation particulière du Christ. Mais les avantages qui y sont attachés sont incalculables, on peut être à peu près certain de ne jamais mourir : c’est un préservatif contre le fer, le feu, le poison, la mort subite et tous les accidents imaginables, sans compter que ce préservatif vous accompagne encore dans l’autre monde et vous sert de passeport.

Il vous prend fantaisie d’assommer un homme ; vous récitez cette belle prière, qui est obligatoire, et vous pouvez être certain de n’être pas guillotiné et que le diable n’aura pas la chance de vous faire rôtir.

Plus de justice en ce monde ni dans l’autre.

Je m’aperçois que les saints se jouent entre eux des tours à n’en plus finir. Saint Vital guérit les yeux avec son mollet ; un os de saint Pacifique vous empêche de vous noyer ; mais sainte Brigitte, oh ! sainte Brigitte, elle, les bat tous.

Ça doit être un drôle de spectacle que celui de tous ces saints accourant à la porte du paradis, quand un trépassé y arrive.

« Est-ce le mien, celui-là ?

— Non, ça n’est pas le tien,

— C’est à moi, dit un troisième,

— Attends un peu que je lui regarde l’œil, » dit Vital, qui a envoyé son corps ciré à Varennes, mais qui garde son véritable corps pour jouir du paradis.

— « A-t-il mon nez dans sa poche ? crie à son tour Pacifique.

— Oh ! je le reconnais, il est à moi, » fait Brigitte en accourant avec des transports de joie, « il a ma révélation dans le dos. » Quel bonheur !

C’est pourtant avec ces inventions-là que le romantisme se soutient depuis des siècles.

Mais aucune spéculation céleste n’est digne d’être comparée à celle qu’imaginèrent les Cordeliers du temps de la Réforme.

Ils avaient eu l’idée d’établir à la porte de leur couvent une chapelle ardente, au pied d’une statue de la Vierge ; deux moines quêteurs se tenaient à côté de la statue. Si les passants ne mettaient pas une pièce de monnaie dans la bourse qu’ils leur tendaient, c’était une preuve qu’ils étaient hérétiques et la populace les assommait sur l’heure.