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cachot, d’un autre instrument, des coups qui vous auraient laissé des traces aux jambes et aux reins pendant huit jours, cette particularité, que vous étiez puni pour avoir appelé un de vos professeurs asperge, tout cela est de votre invention ? — R. Oui, monsieur.

D. Et pourquoi aviez-vous menti, mon enfant ? — R. Parce que le jour où l’on m’a interrogé, j’étais en colère, ayant été puni le matin.

D. Mais quand vous avez confié à Ségéral qu’on vous avait battu, vous n’étiez pas en colère ? Pourquoi lui avez vous fait cette histoire ? R. Une idée ! mais c’était faux, et la vérité est que jamais on ne m’a battu.

Moi, je soutiens que vous avez été battu. Les chers Pères ont l’air d’en avoir tellement l’habitude et vous mettez une persistance, si manifestement suggérée, à soutenir que non, après l’avoir affirmé positivement que, pour moi, la preuve de la vérité du fait éclate et brille comme une fusée.

Je déclare donc sans plus de détour que vous avez eu tout aussi raison d’appeler votre professeur Asperge, que vous avez tort aujourd’hui de le nier.

Sixième témoin. — Maydieu, 18 ans, ancien élève de l’école des PP. Jésuites, de Tivoli : « Il y a cinq ans et demi environ, j’étais élève de Tivoli. Un jour, pour une faute d’écolier, je fus mis au cachot. Le soir venu, le sous-préfet d’alors, qui n’était pas le P. Commire, et dont j’ai oublié le nom, mais que je reconnaîtrais à merveille, si on me le représentait, m’invita à le suivre et me fit monter au quatrième étage de la maison, au grenier. Là, il me dit que j’allais recevoir une correction manuelle. Je le priai, je le suppliai, mais en vain. Il me déshabilla de vive force, puis, à son appel, un garçon arriva, le visage dissimulé par une barbe postiche et un masque d’escrime. Malgré mes plaintes, mes instances, mes cris, cet homme m’administra plusieurs coups de bâton, jusqu’à ce que le Père eût dit que ç’en était assez. »

Le septième et le huitième témoins ne disent rien d’important.

Neuvième témoin. — De Longat, père, ancien officier de marine, demeurant à Bordeaux : « J’ai mis mon fils en pension chez les révérends Pères Jésuites de Tivoli et je leur ai donné tous les droits de correction sur lui. Je ne crois pas qu’ils l’aient jamais frappé. Mon fils ne me l’a jamais dit. Mais s’ils l’avaient fait, convaincu que ç’eût été pour son bien, je les aurais remerciés.

M. le président. — Témoin, que voulez-vous dire ? Admettez-vous donc que ce soit un bon moyen d’éducation que de corriger les enfants en les frappant ? — R. Oui, monsieur, quand il y a lieu.

M. le président. — Monsieur, un maître qui frappe un enfant ne le corrige pas, il l’abrutit. Ne pensez pas d’ailleurs que le père ait le droit de battre son enfant. La loi interviendrait alors pour protéger l’enfant et nous condamnons ici, au nom de la loi, les pères qui