Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/22

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nada, c’est lord Monck, et non pas ses créanciers. Or, il se trouve que le cabinet anglais pense tout le contraire et prend la chose tout à fait à rebours.

Mais ce n’est pas tout. Au premier abord, il semblerait que, puisque c’est nous qui payons, c’est à nous de décider combien et pourquoi nous payons. Pas le moins du monde ; nous sommes dans l’erreur. Le premier devoir d’un colon est de payer sans savoir ; nous le remplissons fidèlement.

Celui qui décide en cette matière, c’est le Secrétaire d’État anglais. Il est vrai que nous nous appelons Puissance ; mais jusqu’à présent nous n’avons pas encore la puissance de disposer nous-mêmes de notre argent.

L’état colonial est un état unique ; il prépare un peuple à la grandeur et à la puissance par l’humiliation. Si tu veux commander, sache obéir, dit le proverbe : c’est très-bien, mais voilà trois cents ans que nous obéissons ; il serait temps que nous prissions l’habitude de commander. Le meilleur moyen de commander n’est pas d’obéir toujours. — C’est mal interpréter le proverbe.

Un autre abus, c’est une ville qui n’est pas éclairée quand les citoyens paient très cher pour qu’elle le soit. Je vous défie de ne pas vous tuer, quand vous sortez après sept heures du soir. Quand à moi, si je vis encore, malgré mes habitudes nocturnes très condamnables, je l’avoue de suite, c’est que la Providence me protège, que le Courrier du Canada veuille ou non que la Providence protège les libéraux.

Mais une compagnie du gaz ne peut pas faire éclairer une ville par la Providence et nous faire payer ensuite comme si c’était elle, la compagnie, qui éclairait.

Pendant six mois de l’année, la Providence prend la forme de la lune.[1] C’est encore là un abus, et nous payons toujours le gaz, pendant ces six mois-là. Mais comme nous ne payons pas à la lune, elle nous joue le tour de se cacher les trois quarts du temps dans les nuages, et il est très-difficile d’aller l’y chercher.

Les journaux anglais ont deux orthographes pour le nom de l’assassin de McGee. Les uns l’appellent Whalan, les autres Whelan. C’est un moyen sûr pour qu’il ne puisse échapper. Il prétendrait en vain que cette dernière orthographe n’est pas celle de son nom ; on lui répondrait qu’on a fait le procès de Whalan aussi bien que celui de Whelan, et que l’un a été trouvé aussi coupable que l’autre.

  1. Dans les villes canadiennes, on n’allume pas les becs de gaz quand la lune parait.