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Whelan est-il vraiment coupable ? se demandent encore certaines personnes. Là n’est pas la question. Il faut partir de ce principe. Il fallait un coupable. L’assassinat de McGee étant un crime politique, il fallait le venger. On a eu Whelan sous la main ; il a été trouvé coupable ; je suis convaincu qu’il l’est : mais le coupable, on l’aurait inventé, si on ne l’avait pas trouvé.

Pourquoi Whelan, au lieu de tuer McGee, n’a-t-il pas assassiné Howe ? Il n’y aurait pas eu de sentence prononcée contre lui après un verdict du jury, absolument comme dans le cas de Jean-Baptiste Daoust. Il eût été condamné, soit, mais à la charge de se présenter dans un comté quelconque. Et du reste, il aurait eu incontestablement une exonération fabriquée par la Minerve, ce qui équivaut à une récidive.

La Minerve dit que Son Excellence, Sir Narcisse Fortunat, a daigné répondre au discours que lui a fait l’association agricole.

Ce daigné m’a inondé de voluptés inconnues. C’est trouvé, cela ! Quels progrès nous faisons vers l’indépendance ! Tudieu ! mes amis, Daigné… Sir Narcisse a daigné répondre…

La Minerve annoncera prochainement qu’elle entretient un rapporteur spécial à Québec pour lui télégraphier tous les matins que Son Excellence a daigné se réveiller à sept heures, et s’étirer les membres trois fois pour représenter Sa Majesté.

Nous allons bien sous la constitution qui nous régit.

À propos d’Excellence, on était très embarrassé, dans le petit cercle officiel, de savoir si l’on donnerait ou non ce titre au lieutenant-gouverneur. Un homme d’esprit qui se trouvait là par hasard proposa de faire lire l’adresse par un bègue qui aurait commencé ainsi : « À Son ex… Excellence… » Tout le monde eût été satisfait de ce moyen ingénieux de concilier la vérité avec la prétention. Mais cela ne faisait pas le compte des membres de la Société St. Jean-Baptiste qui veulent toujours être satisfaits tout seuls.

On me dit : « Quelle rage vous pousse à fronder tous les vices, à chercher partout des ennemis, à vous attirer des haines sans trêve ? Le monde est méchant, sot et vil : qu’y pouvez-vous ? voilà quatre mille ans qu’on le lui dit ; on le lui dira encore dix mille ans de plus, et il restera le même. Pourquoi ne pas jouir de la vie, en cueillir les quelques fleurs perdues çà et là, au lieu d’en exprimer le poison goutte à goutte et vous nourrir de fiel ? Pourquoi ne pas chercher le bonheur qui est la paix, au lieu de provoquer l’orage ? »

Je réponds que je ne puis être satisfait, ni tranquille, tant que je verrai autour de moi les méchants, les sots et les lâches triompher. Qu’ils soient tout simplement des sots, je ne puis que les plaindre ; qu’ils