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Dépêche spéciale à la Lanterne.

Derniers détails sur l’arrivée de monseigneur Bourget à Rome.

16 février.

Le Saint-Père apprend que l’évêque de Montréal approche de la ville éternelle incognito.

Il fait de suite embrasser sa pantoufle à deux trappistes qui s’en lèchent les babines.

Trente zouaves canadiens, qui n’ont pas mangé depuis trois jours, demandent la permission d’aller débarrasser leur évêque de trente mille dollars qui gênent sa marche.

Ici, le trésorier du pape éprouve une certaine défiance.

Les trente mille dollars sont bien pour les zouaves, mais il convient de les faire passer par les mains du Saint-Père, afin de les purifier s’il en est qui soient de fausse monnaie.

Il accorde aux trente zouaves la permission de repasser.

Satisfaction visible de ceux-ci.

L’angelus sonne au Vatican.

À cette heure solennelle, le pape donne audience à l’ange qui lui apporte les dernières instructions de l’Esprit-Saint.

Puis il se recueille et adresse au ciel une prière fervente pour qu’il accorde aux hommes la grâce d’être idiots jusqu’à la fin des siècles.

Cette prière monte au ciel sous la forme d’une lettre non affranchie.

Le pape est si pauvre !

Au loin, dans la campagne, on voit une légère poussière qui s’agite imperceptiblement à la surface du sol.

C’est l’évêque de Montréal qui s’avance lentement, monté sur un âne.

Une charité tout évangélique, l’amour du prochain, l’empêche de se servir de ses éperons.

En avant marche saint Ignace qui présente son homonyme à deux marchands d’allumettes errant sur la route solitaire.

L’évêque leur sourit gracieusement comme lorsqu’il reçoit un présent de deux cents piastres. Il faut se rendre populaire.

Il était même sur le point de mettre la main à sa poche… pour leur offrir une bénédiction, lorsque monsignor Desautels, qui n’a pas cessé de l’accompagner, le rappelle à l’économie.