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humide et malsaine, une des religieuses de la communauté. Quand je dis une religieuse, je devrais dire six religieuses, car elles étaient six en effet odieusement séquestrées, quand la police est arrivée ; mais une seule est en cause dans l’histoire que je raconte.

« Cette nonne, appartenant à l’une des premières familles de Louvain, dont nous tairons provisoirement le nom, — cette nonne, désespérée de la dure captivité qu’elle subissait, parvint, il y a quelques jours, à faire connaître à son beau-frère la situation où elle se trouvait.

« Le soupirail, qui donnait un peu de jour à son cachot, s’ouvrait sur le jardin où un homme travaillait. Elle attira l’attention de cet homme, parvint à l’attendrir, obtint de lui qu’il lui passât de quoi écrire et qu’il se chargeât de faire parvenir à son adresse une lettre qu’elle écrivit.

« Au reçu de cette lettre, M. X…, le beau-frère de la recluse, se rendit immédiatement au couvent et demanda à la supérieure à voir la sœur X.

« On lui répondit que la sœur X était en retraite et qu’on ne pouvait la voir.

« — Je repasserai, répondit simplement M. X…

« Il revint en effet trois heures après, mais il se fit accompagner par un personnage qui, provisoirement, resta dehors.

« Il demanda encore à voir sa sœur.

« — Je vous ai dit, monsieur, » répondit la supérieure, « qu’elle est en retraite. Il est impossible que vous la voyiez. »

« Telle fut la réponse de la supérieure, réponse faite avec une nuance d’humeur.

« M. X sortit et rentra bientôt, renouvelant sa demande.

« La supérieure, inquiète de cette insistance et visiblement troublée, balbutia quelques paroles ; mais M. X… y coupa court en ouvrant la porte et faisant entrer le commissaire de police.

« On descendit à la cave et on y fit descendre la supérieure qui avait totalement perdu la tête. On fit ouvrir le cachot où, depuis plusieurs jours, gémissait la prisonnière. Ce fut elle alors qui indiqua le cachot où cinq de ses compagnes étaient enfermées ; on délivra les pauvres filles, qui n’eurent rien de plus pressé que de profiter de la présence du commissaire pour s’échapper du couvent et retourner dans leurs familles.

« Un procès va être intenté à la supérieure, et ce procès promet des révélations piquantes.

« Savez-vous pourquoi les nonnes en question avaient été enfermées ? Parce qu’elles avaient refusé d’engager leurs signatures en vue de fournir à la supérieure de l’argent, dont elle a, paraît-il, un continuel besoin ; ce que l’on explique par des motifs que nous ne voulons pas rapporter. »

Fin de la Lanterne