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Il faut dire ce que l’on pense. Ce n’est pas seulement un droit, c’est un devoir.

« Quiconque a une pensée, dit Paul Louis Courier, est tenu de la produire et mettre au jour pour le bien commun. La vérité est toute à tous.

« Qu’importe ce qu’on dit de vous ! Les jésuites criaient autrefois contre le grand Pascal et l’appelaient tison d’enfer ; cela signifie toujours un homme qui dit vrai et se fait écouter. »

« Savez-vous ce qu’il peut y avoir dans une idée, et quand vous empêchez une idée d’éclore, savez-vous si vous n’anéantissez pas des mondes ? » (Milton — sur la censure).

Ici, il ne faut ni penser, ni dire ce qu’on pense. Quiconque a des idées est un écervelé : mais s’il les exprime, c’est un scélérat.

J’accepte d’être un scélérat, ne pouvant me résoudre à être un honnête homme en laissant faire le mal.

Toute vérité n’est pas bonne à dire. C’est là une maxime de poltrons. Dès qu’une chose est vraie, elle est bonne à dire, et doit être dite. C’est l’avantage qu’elle a sur le mensonge qui n’est jamais bon à dire, même pour la plus grande gloire de Dieu.

Le clergé n’a pas demandé la suppression de la Lanterne, comme l’a prétendu un journal de Québec. Le clergé ne demande rien en Canada. Quand il veut quelque chose, il l’ordonne.

Il a commandé à M. Chapleau, libraire de la rue Notre-Dame, de ne plus vendre la Lanterne, mais ne le lui a pas demandé.

Maintenant c’est au tour de M. Perry qui refuse de la vendre.

Voilà les moyens qu’on emploie. Et l’on dira que le clergé est fort en ce pays ! Quoi ! voilà un ordre qui se prétend dépositaire de la vérité absolue, et il n’est pas seulement capable de la défendre, et il a à lui presque toute la presse, il a ses organes attitrés, quotidiens, et pour combattre un pamphlet qui ne parait qu’une fois par semaine, il en est réduit à faire peur aux libraires qui le vendent ! C’est là une puissance !

Si vous étiez réellement forts, craindriez-vous les attaques d’un simple citoyen comme moi, et ne m’auriez-vous pas écrasé déjà par des réfutations indiscutables, puisque vous avez avec vous la vérité ?

Vous avez fait peur aux libraires ; mais vous avez bien plus peur qu’eux, vous, puissance.

J’ai tort ou j’ai raison. Si j’ai tort, montrez-le. Si j’ai raison pourquoi vous opposez-vous à la raison ?