Page:Buies - La lanterne, 1884.djvu/7

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Tous les imbéciles ne sont pas mes ennemis personnels ; l’apparition de cette Lanterne les décidera. Je ne parle point du Courrier du Canada, du Courrier de St. Hyacinthe, du Journal de Trois-Rivières, de l’Union des Cantons de l’Est, etc., je parle des imbéciles qui ont des noms d’homme, et qui se comptent par centaines de mille, ici comme ailleurs.

Il y a deux catégories d’imbéciles, ceux qui le savent et ceux qui ne le savent pas. Ceux-ci sont les pires ; ils font des comptes-rendus dans la Minerve. Quant aux autres, ils se consolent par la perspective du royaume des cieux.

Il y a deux grandes sociétés dans notre ville, la Société St. Jean-Baptiste et l’Association Pacifique pour l’Indépendance du Canada. La première compte cinquante membres, dont quatre à cheval (les chevaux ne comptent pas) ; la seconde en compte trente-deux qui vont à pied, guidés par un chef dont la principale fonction pacifique est de coller sur les murs des affiches non imprimées.

Ce chef, est-il besoin de le nommer ? L’univers le connaît ; c’est Lanctôt, Lanctôt, vous dis-je, et c’est assez. Si l’univers ne le connaît pas, ce n’est pas la faute de Lanctôt. Moi, je suis obligé de le connaître ; tant pis pour lui !

Voilà un homme qui a beaucoup de langue et pas du tout de langage. Il dit qu’il veut jouer en Canada le rôle de Wendell Philipps aux États-Unis. C’est comme si l’on voulait faire exécuter une charge de cavalerie par un bataillon de sauterelles.

Lanctôt ne croit pas seulement qu’il joue un rôle ; il croit encore qu’on est jaloux de lui, et que c’est pour cela qu’il ne crée pas une immense sensation chaque fois qu’il pérore devant trente braves et indépendants électeurs. Nous nous montrons ingrats en n’aidant pas cet homme à jouer son rôle aux dépens du bon sens. Après tout, ne sommes-nous pas le même peuple qui a élevé sur les tréteaux M Cartier ?

Ces deux rivaux se sont combattus. Ce qui prouve leur égalité de mérite, c’est que la victoire fut longtemps indécise et dût être chèrement achetée. Cartier paya, Lanctôt ne paya point. Il est vrai qu’il avait des mines, c’est-à-dire des carrières de pierres ; mais on ne séduit pas un électeur avec des pavés.

Un jour Lanctôt, se croyant assez fort, fit la guerre au parti libéral sans lequel il n’était rien. Il n’eut jamais d’autre rêve que celui de son ambition personnelle, beaucoup trop grande pour lui. Il s’est