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épuisé à se hisser, croyant que le nombre de ses dupes, mises les unes sur les autres, serait assez grand pour lui faire escalader les nues. Après avoir monté sur quelques dizaines d’épaules, il est tombé sur la place Chaboillez avec des œufs pourris dans les oreilles. Chute qui ne fut pas éclatante, mais qui fait voir combien parfois les grandes choses sont défaites par les plus petits moyens.

Maintenant il s’occupe à faire souscrire pour l’Indépendance Pacifique. Quand il aura ramassé cinquante dollars, nous proposerons un marché à l’Angleterre, qui, entre parenthèses, serait bien sotte de ne pas se débarrasser de nous à ce prix-là !

Les Néo-Écossais donnent des preuves d’une énergie et d’une volonté frappantes. Voilà des gaillards qui veulent mettre en pratique ce qu’ils déclarent dans leurs remontrances au gouvernement fédéral ; ce dont les journaux tories sont furieux. Ils s’imaginent que la sagesse suprême pour les néo-écossais serait de faire le contraire de ce qu’ils disent ou de ne pas faire ce qu’ils disent qu’ils feront.

Les Néos sont décidés à ne plus faire partie de la confédération, et si l’Angleterre refuse de faire justice à leur nouvelle requête, ils déclarent qu’ils se feront justice à eux-mêmes. Alors, qu’arrivera-t-il ? M. Cartier prendra son bill de milice avec les hommes qu’il y a dedans, il mettra sa tuque bleue, accrochera à son côté le sabre de son père, et accompagné de la Grande Duchesse L…, il se rendra à cinquante-quatre milles des côtes de la Nouvelle-Écosse.

Là, il fera une sommation respectueuse aux rebelles de ce pays d’avoir à se jeter dans ses bras. Aussitôt qu’il aura eu le temps de ne pas recevoir de réponse, il déploiera le drapeau britannique, le drapeau loyal, chantera Vive Ottawa, la Capitale des Canadas (et des maringouins), et cinglera en toute hâte vers le port de Québec, où l’attendra M. Cauchon qui veut exterminer les néo-écossais.

Le lendemain, on lira dans la Minerve cet étourdissant bulletin :

Grande victoire militaire de l’honorable Sir George Étienne Cartier ! Ce grand homme, dont on ne connaissait pas encore le génie guerrier, vient de mettre le sceau à sa gloire. Il n’a fait que paraître devant les insurgés de la Nouvelle-Écosse, et tous se sont tus. Ce triomphe mémorable, unique, a été obtenu sans effusion de sang, tant il est vrai de dire que l’honorable Sir George Étienne Cartier joint une âme magnanime et tendre à une profondeur politique sans exemple.

Maintenant, on peut être certain que la Nouvelle-Écosse est pacifiée et va entrer dans le giron de la Confédération, cette arche sainte qui est le salut de notre peuple.

Il y aura promenade aux flambeaux, concerts, speechs, illumination, et le lendemain, une dépêche télégraphique annoncera que M. Wilkins, procureur-général de la Nouvelle-Écosse, a demandé purement et simplement l’annexion de sa province aux États-Unis.

Alors, ce sera au tour de M. Cauchon qui, lui, est un fameux lutteur. Arrivé à dix lieues des frontières de la Nouvelle-Écosse, avec sa brochure contre la confédération, d’une main, et sa brochure pour la