Le soir même — vous voyez que les événements se précipitent — j’entrais dans un hôtel avec quelques amis.
Aussitôt vient à nous un petit garçon, qui avait l’air de mépriser les biens de la terre, fonction qui se généralise de plus en plus et qui a pour avantage immédiat de faire une population mendiante et abrutie.
Il nous demande quelques sous. « Pourquoi ne travailles-tu pas ? lui dis-je.
— Je ne peux pas trouver d’ouvrage, Monsieur. » C’est la réponse invariable.
« Viens avec moi, je vais t’en donner. »
Je l’amène et lui offre une douzaine de Lanternes à vendre.
« Oh, monsieur, je ne peux pas vendre ce papier-là, fit-il en regardant la vignette.
— Tiens ! pourquoi ça ?
— Parce que, monsieur, je me ferai prendre ; c’est ce qu’on a dit aujourd’hui à un petit garçon qui le vendait.
— Mais l’a-t-on pris, ce petit garçon ?
— Non.
— Eh bien ! on ne te prendra pas davantage, toi.
— Ah ! j’ai trop peur.
— Écoute, si tu te fais prendre, je te déprendrai ; va toujours.
— Oh ! non, non, monsieur, ce papier-là est effrayant, voyez-vous !
— Bien, mon garçon ; voici deux sous, va quêter. »
Le lendemain matin, j’entre chez un de mes dépositaires pour lui donner quelques instructions.
Il n’y était pas. Mais sa femme y était. Oh ! les femmes !… je veux bien leur permettre de m’aimer, mais non pas de m’avaler tout rond.
Or, je fus sur le point de l’être ce jour-là.
Arrive sur moi la maîtresse de céans, du fond de la boutique. Elle a des dents, cette femme !…
J’ai vu les ouragans du golfe mexicain ; j’ai vu l’Atlantique furieux tourner bout pour bout le steamer où je me trouvais, n’ayant dû mon salut, en ce jour mémorable, qu’à la Providence qui a des vues sur moi, mais je n’ai jamais vu de catastrophe comme cette figure-là.
« Nous sommes des catholiques romains, fit-elle en fondant sur moi…
— Mais, mais, madame, je vous en congratule, repris-je en reculant de trois pas, convaincu instantanément que la femme est supérieure à l’homme, quand elle a des dents de trois pouces… Madame, veuillez… un instant… recevez…
— Monsieur, monsieur, je n’ai rien à recevoir. Nous sommes des catholiques romains, et je ne veux pas vendre votre infâme journal ; il est plein d’obscénités, votre journal ; il dit que les prêtres ont des