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Confédération dans l’autre main, il fera un tel vacarme en les tapant l’une contre l’autre qu’il y aura autour de lui un attroupement de gamins curieux : « Tas de marmots, leur criera-t-il, êtes-vous pour la Confédération ou contre la Confédération ? » Et comme ils n’auront pas l’air de le comprendre, M. Cauchon s’en reviendra au Journal de Québec, où il déclarera que les Néo-Écossais sont un peuple d’enfants qui ne savent pas ce qu’ils veulent, et ne comprennent même pas quand on leur parle.

Et la question sera décidée. Mais, par exemple, si nous achevons les fortifications de Lévis et si nous construisons celles de Montréal, il est évident que les Néo-Écossais ne pourront jamais s’affranchir du joug fédéral.

Je lisais l’autre jour dans le Journal de Trois-Rivières ce gracieux entrefilet :

Pourquoi le rédacteur du Pays[1] ne conseille-t-il pas à M. Fréchette[2] de passer en Italie, et là, à mon exemple, de revêtir le froc garibaldien et de porter le poignard des sicaires ?[3] La chose en vaudrait la peine, puisqu’au lieu d’un monstre, la patrie en compterait deux.

Ça, au moins, c’est témoigner des égards aux gens. Décidément, la Grande Duchesse a tourné la tête de tous nos dévots ; ils ne voient plus que sabres, poignards,… et frocs !  !

J’ai horreur de l’isolement. Être le seul monstre dans la patrie me paraît ennuyeux. Que le rédacteur du Journal de Trois-Rivières, qui est un ange, ait donc la bonté de s’associer avec moi ; je lui passerai le poignard, il me passera le goupillon, nous laisserons le froc de côté, et nous chercherons ensemble s’il n’y a pas moyen de trouver un deuxième monstre qui m’aide à passer la vie. Quant à Fréchette, il est bien certain qu’il ne prendra pas la peine de partir de Chicago pour venir jouer le rôle de monstre en Canada. Ça ne paierait point.

Dans quel pays, dit le Courrier de St. Hyacinthe, a-t-on fait plus de sacrifices qu’en Canada pour la belle et sublime cause de l’éducation ? Dans quel pays le clergé s’est-il dévoué avec plus de zèle à la propagation des lumières ? Et où ces sacrifices, ce zèle et ce dévouement ont-ils eu des résultats plus satisfaisants qu’ici ?

Je ne conteste pas au clergé ses sacrifices qui, du reste, parait-il, ne l’ont pas ruiné. Mais ce que je conteste, c’est le résultat. En effet, si l’on peut me faire voir un jeune homme sortant d’un de nos collèges, qui sache tant soit peu d’histoire, de géographie, de géologie, de mathématiques, de chimie, d’anglais… je ne contesterai plus rien. Si l’on veut, je ne me montrerai pas si difficile et je demanderai seulement où est le collégien qui sait le français.

À propos de sacrifices, on devrait bien aussi parler un peu de ceux

  1. J’étais alors rédacteur-en-chef du Pays.
  2. Louis Honoré Fréchette vivait en ce temps-là à Chicago.
  3. Allusion à la campagne des Deux-Siciles que j’ai faite sous Garibaldi.