Page:Buies - La presse canadienne-française et les améliorations de Québec, 1875.djvu/7

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faire appel contre un abus, une iniquité ou un vice quelconque des institutions, de la société ou des lois, ne devrait être accessible qu’aux hommes du plus grand mérite, joignant au talent et aux connaissances un esprit élevé, une conscience ferme et un caractère impervertible, carrière qui, par cela seul qu’elle est une mission, exige au moins un noviciat préalable et une consécration qui en autorise l’exercice, cette carrière enfin, le journalisme, n’est guère autre chose chez nous que le pis-aller des avortons de l’intelligence et des fruits secs de toute nature.

Messieurs, le spectacle de la presse canadienne-française est tout ce qu’il y a au monde d’affligeant et d’humiliant. À de très rares exceptions près que je ne citerai pas, mais que tout le monde ici présent peut aisément reconnaître, quel est celui de nos journaux qu’on oserait montrer à l’étranger, et qui aurait le courage, mis en présence de ce que nous appelons un de nos organes, de se dire canadien-français dans un autre pays que le nôtre ? Si la plupart de nos journaux, pour toute question de science, d’histoire, de littérature ou d’art, sont obligés d’avoir recours à des reproductions, en revanche quel est donc l’emprunt que la presse étrangère fait à la nôtre ? De temps en temps peut-être lui demandera-t’elle un renseignement, mais quand lui demande-t’elle une appréciation ou un modèle, soit de style, soit de pensée ? Si les platitudes grossières et les invectives de carrefour qui composent presque tout l’aliment de notre presse, revêtaient une forme que l’on pût déterminer, s’il y avait une langue dans tout cela, ce ne serait pas une compensation sans doute, mais du moins une certaine consolation offerte à ceux qui savent le mieux juger ; mais à la trivialité basse des injures, à la stupidité accablante des choses que l’on débite viennent s’ajouter l’ignorance la plus absolue de la langue et le manque le plus complet de savoir-vivre. Les