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de cette rivière. Le sol est couvert de bois de toutes les essences qui croissent dans la vallée du lac Saint-Jean, excepté le cèdre. Il y a là une pousse d’environ quatre-vingts ans d’âge, qui atteste, par sa grosseur et sa longueur remarquables, une grande richesse de sol. Il ne reste aucune trace de l’ancienne forêt détruite par les feux. Pour ces raisons le bois propre au commerce se réduit à peu de chose, sur les bords immédiats de cette rivière. Quelques centaines de pins et quelques milliers d’épinettes, voilà tout ce que l’on pourrait en tirer aujourd’hui. Dans quelques quarante ou cinquante ans, si quelques nouveaux feux ne viennent exercer ici leurs ravages, cette jeune pousse fournira un fort appoint au commerce de bois. Mais les avantages que ces superbes terres offrent aux colons ne sauraient rester longtemps méconnus et je n’ai aucun doute qu’avec des communications plus faciles, cette jeune forêt n’ait bientôt fait place à de beaux champs de blé.

La rivière Au Rat, autre tributaire de la Mistassini, s’y décharge sur le même côté que la rivière Mistassibi — côté nord-est, — à un mille plus haut que cette dernière.

Le feu de 1870 a ravagé les belles forêts qui couvraient les deux rives jusqu’au quinzième mille. Le bois vert reprend de là et comprend les mêmes essences mentionnées dans Mistassibi. Les seuls obstacles qui s’opposent à la navigation de cette rivière sont quelques rapides sur la partie que j’en ai relevée, si bien, qu’en la descendant dans les hautes eaux, ces obstacles disparaissent. Ces rapides sont au nombre de cinq sur les seize premiers milles ; les quatorze milles restant sont en eau morte, de même que pareille distance au-dessus.

Je suis convaincu que la plus grande partie de cette région, comprise dans le fond de ce vaste bassin qui entoure le lac Saint-Jean, du côté du nord surtout, c’est-à-dire une étendue d’au moins quatre millions d’acres en superficie, se compose des terrains les plus favorables à l’agriculture, tant à cause de la richesse du sol que de la douceur du climat. Pour offrir un point de comparaison assez juste, je crois devoir dire, sans craindre d’être taxé d’exagération, que nous avons dans ce bassin du lac Saint-Jean une assez grande étendue de belles et bonnes terres pour établir à l’aise une population aussi dense que celle qui habite la plus belle partie de la vallée du Saint-Laurent, celle occupée par les comtés de Richelieu, Yamaska, Verchères, Bagot, Saint-Hyacinthe, Rouville, Saint-Jean, Napierville et Laprairie.