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LA VALLÉE

À la fin de mai de l’année suivante, vingt autres familles et dix-sept jeunes gens arrivaient à leur tour ; au mois d’octobre, trois nouvelles familles, ce qui portait la population de la colonie à 155 âmes, vers la fin de 1861.

En 1862, le 1er juin, la colonie s’accroît de douze familles et de deux de plus en octobre.

L’année suivante, le 2 juin, on voit arriver sept nouvelles familles, en sorte que, dans la troisième année de sa fondation, la colonie acadienne comptait déjà 48 familles, 216 enfants et un certain nombre de célibataires, formant un total de 825 individus.

Ces colons nouveaux, qui avaient été obligés par la pauvreté de quitter leur pays d’origine, étaient, on le comprend, dans une condition très précaire, voisine même de la mendicité. Ils étaient venus sans ressources aucunes et ils étaient entourés de toutes parts par la forêt. Il n’y avait ni travail ni industrie possible qui pût leur assurer quelque moyen de subsistance. Ils étaient en outre incapables de se procurer les choses les plus indispensables à leur situation. À la misère et à l’impuissance d’y remédier venaient s’ajouter de grandes difficultés extérieures, c’étaient la rivière Matapédia et la distance à parcourir pour gagner la petite ville de Campbellton ou la mission de Ste-Anne de Ristigouche. La rivière Matapédia s’élargit considérablement le printemps et l’automne ; elle devient alors très rapide et même dangereuse. Combien de fois un malheureux père de famille, assis sur le bord du courant, attendait vainement le passage d’un canot, pendant que son cœur défaillait à la pensée de ce qui se passait chez lui où sans doute, à cette heure, ses petits enfants criaient à leur mère qu’ils avaient faim, sans qu’elle pût leur répondre que par des larmes. Et souvent,