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DE LA MATAPÉDIA

a commencé la construction d’un aqueduc et qu’une fromagerie y est déjà en pleine activité. Comme toutes les autres fromageries existantes ou futures, celle-ci demande de l’aide au gouvernement, mais cette aide est indispensable dans les endroits qui ne font que s’établir et qui ont besoin qu’on soutienne leurs premiers pas.

J’ai vu les défricheurs à l’œuvre entre Beaurivage, situé à quelques milles plus bas que Causapscal, et Sayabec qui occupe l’extrémité supérieure du lac Matapédia, une distance de près de quarante milles.

Quelle activité ils déploient, quelle sorte d’âpreté, d’appétit ils mettent à s’emparer de ce beau sol qui s’abandonne et s’ouvre si aisément sous leur main, quelle émulation s’est emparée de chacun d’eux ! Si nos malheureux émigrés aux États-Unis pouvaient contempler une seule heure ce spectacle, ils repousseraient vite leurs velléités irréfléchies et funestes d’expatriation, et prendraient rang parmi les abatteurs de forêts. J’ai compté des centaines de lots où le sol fume encore des feux qui ont été allumés pour le débarrasser des épaisses futaies qui le couvrent, holocauste nécessaire, hélas ! qui ne manque pas de créer une impression pénible et de faire déplorer que tant de bois superbe, un des éléments de la richesse nationale, doive être sacrifié sans merci en vue d’un intérêt supérieur, celui de la production agricole et de l’établissement du pays. J’ai vu de longues séries d’habitations là où la forêt sombre régnait en maîtresse