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LA VALLÉE

un terrain si favorable que c’est à peine s’il a besoin, de temps à autre, de légères réparations. À un certain endroit, isolé, éloigné à une assez grande distance de toute habitation, vous débouchez tout à coup, au sortir des défrichements, sur une maison d’excellente apparence qui porte une enseigne de cordonnier. Cela vous paraîtra un peu énigmatique, mais donnez-vous la peine d’entrer. La femme du logis vous offrira une bonne tasse de lait ou d’eau puisée à la source voisine, et l’homme, tout en étirant sa babiche à la longueur de ses bras, vous racontera son arrivée dans le pays trois ans auparavant et tout ce qu’il y a vu de nouveau depuis lors. Ce cordonnier du bon Lafontaine se rend tous les dimanches à Causapscal, où les habitants de tout le pays d’alentour lui apportent leurs chaussures à réparer et lui donnent de nouvelles commandes, s’il y a lieu. Vernier, tel est son nom, apporte avec lui les chaussures, exécute les commandes nouvelles et rapporte le tout à Causapscal le dimanche suivant. Tout cela se passe sans que les journaux en aient jamais parlé, sans que Vernier ait fait paraître la moindre annonce et sans qu’il ait été obligé de proclamer dans des colonnes quelconques qu’il est le premier cordonnier du pays.

À un autre endroit vous passerez sous l’inscription peinte en grandes lettres sur une planche horizontale que soutiennent deux poteaux élevés, et qui indique que vous êtes là exactement au milieu de la route jadis si belle, et aujourd’hui quelque peu brisée, en certains passages, par les lourds charrois qui transportaient matériel et provisions, lors de la construction de l’Intercolonial. Cette route, c’est le fameux « chemin Matapédia », que j’ai déjà signalé à plusieurs reprises et qui revient, à chaque