Page:Buies - Le Saguenay et la vallée du lac St-Jean, 1880.djvu/217

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 197 —

qu’elle se vide. Le voyage dure cinq, six, huit jours, suivant la destination, après quoi devront commencer les durs labeurs, les défrichements en pleine forêt ou les travaux sur une terre à peine ébauchée, qu’un colon découragé ou impatient aura abandonnée pour aller plus loin encore, à la recherche d’un établissement nouveau qui promette davantage ou qui soit plus conforme à ses projets.

L’an dernier, nous parcourions dans une de ces commodes et modestes voitures qu’on appelle tantôt planches et tantôt chiennes, et qui sont les seules en usage dans le Saguenay, la longue et monotone route qui traverse tout le township Kenogami, parmi les rochers et les forêts ravagées par le feu. Nous regardions avec tristesse cette terre désolée qui retient encore malgré tout ses habitants, tant l’homme s’attache au sol même qui demande le plus de labeurs et dont il tire une subsistance, quelque maigre qu’elle soit. Entre la terre et l’homme il s’établit comme un lien indissoluble, car elle et lui ont travaillé et produit en commun, les sueurs de l’homme servant à féconder la terre, et tous deux se nourrissant tour à tour l’un l’autre. Nous avions vu déjà bon nombre de ces chaumières misérables faites en bois rond, qu’on nomme log houses, mal jointes, à peine couvertes d’un toit en écorce, brûlantes l’été, glaciales l’hiver, contenant souvent cinq, six enfants et plus, déguenillés, souffreteux,