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cesse renouvelé, passant à travers tous les rangs de la population, lui ont versé un sang riche et allumé un esprit d’une hardiesse telle que les plus fastueuses conceptions lui semblent aisément réalisables.

Or, ce qu’a fait Montréal, il y a vingt ans que Québec aurait dû commencer à le faire, il y a vingt ans que tous les citoyens de la capitale auraient dû faire un sacrifice intelligent et intéressé qui assurât la construction du chemin de fer du nord ; toutes les fortunes auraient dû se réunir et s’offrir pour cette œuvre patriotique qui était en même temps une œuvre pleine de récompense, et Québec serait en voie de devenir, comme nous le disons plus haut, le second port de mer de l’Amérique.

Nous ne voulons rien risquer, rien dire au hasard dans cet écrit qui est avant tout une étude serrée et précise de la question qu’il s’agit d’exposer. Qu’on veuille nous suivre dans notre démonstration, et l’on se convaincra qu’il n’y a pas de destinées trop hautes auxquelles Québec ne puisse espérer et atteindre.

II

On peut considérer aujourd’hui, l’entreprise du chemin de fer du Pacifique Canadien comme définitivement abandonnée, à cause de son irréalisation telle qu’elle avait été originairement conçue. Ce chemin projeté se réduit maintenant à une ligne partant du lac Nipissingue et aboutissant au Sault Ste. Marie, près du lac Supérieur, d’où un embranchement le reliera au Northern Pacific Américain qui sera bientôt en pleine opération jusqu’à quarante milles de Fort Garry. De ce dernier point, la ligne canadienne s’étendra jusqu’à un port de la Colombie Anglaise, sur l’Océan Pacifique, de sorte qu’à part l’espace compris entre le Sault Ste. Marie et la frontière de Manitoba, le Dominion aura une ligne directe depuis la Colombie Anglaise jusqu’au lac Nipissingue.

Maintenant, à partir du lac Nipissingue, une autre ligne vient toucher Ottawa, en passant par Pembroke ; c’est l’extension du Chemin de Colonisation du Nord qui reliera directement la capitale fédérale avec Montréal : vient ensuite le Chemin de fer du Nord qui n’est que le prolongement, et, pour ainsi dire, une section de la grande ligne du Pacifique. De Québec, par le moyen du Grand Tronc et de l’Intercolonial, on arrive jusqu’à Halifax, de sorte que voilà une ligne unique au monde, traversant le continent Américain dans sa plus grande largeur, et dont Québec sera, comme on va le voir, le principal entrepôt.

Il suffit de jeter un coup-d’œil sur la carte pour se convaincre qu’une ligne suivant la rive sud du lac Supérieur depuis Duluth, à son extrémité ouest, jusqu’au Sault Ste. Marie, à son extrémité est, pour de là se prolonger jusqu’à Québec, est presque droite et par conséquent plus courte qu’aucune autre ; avec un pont traversant la rivière Ste. Marie, le fret et les passagers peuvent être transportés de Duluth à Québec sans transbordement, sur un chemin de fer d’une largeur uniforme, en trente heures de moins que par toute autre route allant de la tête du lac Supérieur jusqu’à New-York ou Boston, attendu que la distance est de 800 milles moins grande. Il est donc établi, par ce seul fait, que les convois de chemins de fer peuvent être conduits à travers le Michigan, le Wisconsin et le Minnesota, le long du lac Supérieur, sans transbordement ni changement, jusqu’à Québec qui est à 480 milles plus près de Liverpool que ne l’est New-York.

Et non seulement cela. Mais, lorsque le chemin de fer qui doit atteindre le littoral de la Colombie Anglaise, en suivant la ligne américaine, depuis Duluth jusqu’à Pembina, et de là à travers Manitoba, la Saskatchewan et les Montagnes Rocheuses, comme nous le disions plus haut, sera construit et relié au chemin de fer du nord, on verra que la ville de Québec est, par cette route, à 340 milles plus près de la côte du Pacifique que par toute autre route, sans compter que le point où elle devra aboutir sur cette côte est à 500 milles plus près du Japon et de la Chine que ne l’est le port de San Francisco, qui a déjà avec l’Asie un commerce si considérable.

Ainsi donc, par une voie absolument canadienne, en exceptant l’espace compris entre le Sault Ste. Marie et la frontière de la Rivière Rouge, la distance entre